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   qu’ils  défolent  les  Habitants  jufque  dans  leurs  appartements. 
  Ignorant cet inconvénient, je ne  pris  d’abord  aucune  précaution  
 pour  me  garantir  de ces Mouches  ; auffi la démangeaifon  
 que  leurs  piquûres  m’ocçafionnerent,  ne me lailfoit jouir d’aucun  
 repos  : mes  jambes, mon vifage  ôc mes mains enflerent  fi confîdé-  
 rablement,  que  je  fus  obligé  de  garder  le  lit  pendant  quelques  
 jours. Je ne fortois plus par la fuite qu’avec des bottes, le vifage cou,  
 vert  d’un  voile ,  & avec  des gants  aux  mains,  ainfi que  le prati-  
 quoient les Habitants du Pays.  Les Sentinelles prenoient les mêmes  
 précautions.  J’en  ai vu qui fe couvroientle vifage avec du goudron,  
 Etant  obligé  de l’avoir découvert pour  faire mes Obfervations Af-  
 tronomiques ,  je  faifois  faire  du feu  autour de mon Obfervatoire  
 avec des mottes de  terre,  afin d’exciter une grande fumée :  elle éloi,  
 gnoit çeslnfeétes, & je faifois éteindre le feu au temps de mon Ob-  
 fervation. 
 Les Coufins ne font pas  les  feuls  Infe&es qui  incommodent  les  
 Habitants de Tobolsk: l’air eft rempli de Moucherons;  ils forment  
 des tourbillons toujours en mouvement  :  on  en eft aifailli à  chaque  
 inftant ;  mais ils font plus  incommodes que dangereux, 
 Des nuées de Sauterelles & de Demoifelles paroiffent de temps en  
 temps dans ces contrées, On m’a  affuré qu’en  1749,1750 &  1751,  
 les Sauterelles étoient en fi grande quantité  en Ukraine,  qu’elles y  
 rongèrent tout le grain dans les environs de Bielgorod ;  toutes les herbes  
 &  les  feuilles des  arbres éprouvèrent le même fort;  &  il parut à  
 Tobolsk  le  i  Juillet  1761,  une  fi grande quantité  de Demoifelles,  
 que  le  bourdonnement  qu’elles  exçitoient m’engagea de  fortir de  
 mon appartement, pour m’affurer de  la çaufe de çe  bruit. Il réfulté  
 des obfervations que je  fis, que  ces Infectes formoient une colonne  
 dont  la  largeur  s’étendoit depuis  la  riviere  Irtysz jufqu a mort Obfervatoire  
 ;  elle étoit par conféquenc de  cinq cents  toifes environ  : 
 la hauteur de cette colonne n etoit que de cinq toifes. Elle commença  
 à paraître à huit  heures  du  matin,  & fon paffage dura jufqu'à une  
 heure du foir :  elle fuivoit  les bords de la riviere ,  du Nord au Sud.  
 Ces Infeétes voloient avec une vîteffe inconcevable, Pour m’en former  
 une idée,  je  fixai  un  tourbillon de ces Mouches, tenant une  
 montre à fécondés à la  main ;  &  courant  avec  toute la vîteffe donc  
 j etois capable, je tâchois de le fuivte  : au bout  de neuf à dix fécondés  
 ,  ce  tourbillon  commençoit à me devancer.  Je mefurai enfuite  
 1 efpace  que j’avois parcouru ;  je  le trouvai de dix-neuf à vingt toifes  
 : je m’affurai  par plufieurs épreuves réitérées, que cette colonne  
 d Infecles  parcourait  vingt  toifes en neuf fécondés ,  &   par  confé-  
 quent quatre-vingt mille toifes par heure, ou trois lieues &  demie ;  
 ainfi  puifque le paffage de cette  colonne avoit  été de cinq heures T  
 1 elpace  qu elle  occupoit  devoit  être au-moins  de  dix-fepr lieues j   
 fuivant  fa  longueur  :  j’ai  fait  voir  qu’elle avoit cinq  cents  toifes  
 en largeur,  &  cinq en hauteur. Quelle multitude d’Infeétes ne de-  
 voit-elle  pas  contenir ! Us  paroiffoient de  loin  fous  la forme d’une  
 nuee qui rafoit la terre : on n’ofoit d’abord en approcher ; &  quand  
 on y avoit pénétré,  on étoit affailli à chaque inftant par la multitude  
 de ces  Mouches. Elles  étoient  parfaitement femblables à celles que  
 l’on  connoît en France. 
 On a vu  par tout ce qui a été d it ,  qu’on  trouve dans  la Sibérie  
 du Gibier,  du Poiffon  ,  & que la Viande de Boucherie  eft  commune  
 dans  quelques  endroits ;  mais que  le  grain  croît  difficilement  
 dans cette Province. O n  eft obligé d’en faire venir des parties  
 de la Ruffie  fituées en Europe : le monopole  le rend  cher  en  Sibérie, 
  a caufe des friponneries qu’on y exerce, malgré la vigilance des  
 Gouverneurs;  auffi le Peuple mange-t-il rarement du pain. 
 Les  Ruffes  ne  favent pas même en général  faire  le pain : ils ne  
 féparent point en  Sibérie le fon de la farine ;  leur p in  n’eft ni levé  
 ni cuit  : fi  l’on en jette  un morceau  contre le mur, il y refte  collé