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 Tobolsk ,  fur une diftance de près de fept cents lieues, quelque peu  
 de  bled ,  du  chanvre  ;  & des portes de Saint-Pétersbourg  jufqu a  
 celles  de  Tobolsk  ( i ) ,   on ne  trouve que des  pins,  desfapins, &  
 quelques  efpeces de bois  blanc. Cette uniformité frappante s’étend  
 fur les animaux &  les hommes : les Rivières  contiennent les memes  
 Poiffons ,  excepté  le  Sterlet, qui devient  plus rare à mefure  qu’on  
 approche de Saint-Pétersbourg. O n  trouve dans les bois -les mêmes  
 animaux.  Le  rerrein  des  environs  de  Tobolsk  étant plus maréca-  
 ,geux  qu’ailleurs ,  les Oifeaux  aquatiques  y   font  plus nombreux ;  
 quelques-uns différent à la vérité de ceux qu’on trouve dans  le refte  
 de la Ruffie.  Des  arbres  fruitiers  croiffent  dans  les  environs  de  
 Mofcou ;  mais  ces  petites  exceptions n’infirment  point  la loi genérale  
 ;  elle fubfifte dans toute  fon étendue. 
 Quant aux hommes,  celui qui a parcouru une Province de cette  
 contrée  connoît  tous  les  Ruflès ;  ils ont  la même taille,  des paf-  
 iïons femblables, la même tournure d'efprit, les mêmes moeurs. On  
 n’obferve  point  la  plus  petite  différence  dans leurs  pkifirs, dans  
 leurs exercices ,  dans leur méthode  pour cultiver la terre, dans leur  
 habillement.  Cette uniformité s’étend  jufqu’aux maifons qu’ils habitent. 
  J’excepte cependant,  à quelques égards,  de  cette  obferva-  
 tion  générale,  les Wotiakes,  les  Scheremiches,  les Schuwaschi,   
 & les Tartares :  ces Peuples, qui fe font fixés dans de petits cantons  
 de la Ruffie, vers les limites occidentales de la Sibérie, ont confervé  
 leur habillement, quelques-uns  leur Religion, & une  partie de  leurs  
 moeurs  ;  mais dans tout ce qui dépend du  climat,  les caufes phyfi-  
 ,ques font fi puiffantes , qu’elles  ont  rangé  tous  ces Peuples dans la  
 claffe des Ruffes  (z). 
 J’ai  obfervé  dans  les  Pays  élevés  quelques  différences  entre les 
 (1) En pajdant par Solikamskaïa. 
 (2) Les Wotiakes font cependant d’une petite taille 1 on en pariera ailleurs* 
 Peuplés  qui les habitent &  ceux des plaines. J’en ai même rapporté  
 quelques-unes  dans  le détail de mon  voyage, ignorant alors  l’ufage  
 que j’en ferois ici.  J’ai reconnu dans le Pays  élevé  plus de vivacité  
 &r de gaieté  que  dans  le  Pays  bas ,  particulièrement à Makhneva  
 (page 71  ). J’ai fait la même obfervarion à Ekaterinbourg, dont je  
 parlerai par la fuite, & ces différences y font encore plus marquées;  
 elles  deviennent  confidérables,,  fi  l’on  compare  les  Habitants de  
 Mofcou à ceux de Saint-Pétersbourg; mais dans ces deux dernieres  
 Villes le  Gouvernement  y contribue  beaucoup,  ainfi  que  je  l’ai  
 obfervé ( page  193). Cependant ces différences  entre les Habitants  
 des  Pays  élevés  &  ceux  de la plaine ,  n’y  font  pas  auffi  décidées  
 que  dans les autres parties  de  l’Europe, 
 Dans  les  plaines  immenfes  de la Ruffie,  les rivieres ont peu de  
 pente ;  les eaux de pluie, &  celles qui proviennent  de  la  fonte  des'  
 neiges, ont peu d’écoulement. Ces  eaux rendent en  général ce Pays  
 très  aquatique  :: la furface de la terre ,  couverte prefque par-tout de  
 b o is ,  concourt  encore  à  rendre  l’atmofphere  plus  humide  ;  <S?  
 l’été eft toujours trop  court,  pour que le Soleil puiffe  deffécher ce  
 terrein, De-ià cette multitude de marais qu’on rencontre en Ruffie,  
 même au milieu du Continent, & à trois ou quatre cents lieues des  
 Mers. 
 L ’hiver  paroît prefque  le feul temps de l’année où les Habitants  
 puiffent jouir d’une atmofphere pure ;  & alors le froid devient fi rigoureux, 
  quela Nature entiere y paroît dans une inertie perpétuelle.  
 Tous les Habitants renfermés & calfeutrés dans leurs poêles, y refpi-  
 rent un air infe&é par  les  exhakifons & les vapeurs que produit  la  
 tranfpiration.  Ils vivent dans ces  poêles  livrés à la fainéantife,  dormant  
 prefque toute la journée dans une chaleur étouffante, &  ils ne  
 font prefqu’aucun exercice ( r ), C e  genre de vie & le climat,oecafion-  
 nent &  entretiennent  une fi grande diffolution  dans le fang de ces  
 Peuples,  qu’ils font  obligés  toute l’année  d’avoir recours deux fois  
 .(1) Pages  56 & 67.