dans les environs de Bialiftok, ni même aucune efpece de pierre".
A peine fumes-nous arrivés dans ce Bourg , quon peut regarder
comme une petite V ille , que nous allâmes voir le Chateau de M,
Braniskc, Grand Maréchal de la Pologne.
O n parvient au Château par une grande rue qui a un portail de
pierre à chaque extrémité : le premier eft ifolé, & affez inutile ; le
fécond s’élève en dôme, & fert d entrée au Chateau. O n voit fur ce
dernier portail-un cadran, folaire, & au deifous un griffon dore, qui
foutient les armes du Grand Général. En entrant dans la cour, qui
pft très vafte, on voit des deux côtés deux ailes de bâtiments a la
Romaine, au milieu defquelles eft un grand pavillon. Le corps de
logis eft en face du portail. O n entre dans le Chateau par un petit
veftibule : quatre colonnes de marbre noir foutiennent 1 efçalier ; il
pft étranglé, & n’eft point noble : il faut chercher derrière les colonnes
les appartements du Maréchal & de la Maréchale ; les premiers
font à droite, & les derniers a gauche. Les appartements du
Grand Maréchal font beaux ; on y voit quantité de belles figures de
bronze: les appartements de la Maréchale font magnifiques; l.or,
la peinture & la fculpture y brillent de toutes parts, & y font diftribués
avec tout le goût polfible. On defcend enfuite dans des bains
qui peuvent contenir plus de vingt perfonnes ; mais ils font un peu
négligés. Au premier étage , on entre d abord dans un beau falon,
dont la fculpture eft cependant médiocre : on trouve a droite & a
gauche différents appartements d’une affez grande beauté, quoique
diftribués avec.moins de goût, & inférieurs à tous égards a ceux .de
la Maréchale. L ’appartement du Roi eft très beau : celui de la Reine
eft très riche, mais ancien ; le lit eft entièrement brodé en or.
Les jardins, les bofquets, & l’orangerie y font-diftribués au
mieux : le parc eft vafte, bien plante, & bien entretenu ; il eft rempli
de daims : on y voit une belle faifanderie. C e fejour annonce le
-Palais d’un Monarque plutôt que celui d’un Particulier. Quoique
le Grand Maréchal fût abfent à notre paffage, fes gens nous y comblèrent
de politeffes.
Bialiftok eft expofé au grand défagrément de manquer d’eau ;
on eft obligé de la faire venir de fort loin , & par conféquent avec
des frais très confidérables. Cette Ville eft fituée au milieu d’une
grande plaine très bien cultivée. Nous en partîmes le même jour ,'
& arrivâmes à onze heures du foir à Sokolka, après avoir traverfé
beaucoup jde bois depuis Bialiftok,
Le thermomètre étoit encore le 30a huit heures du matin, à 11
degrés au deffous de o. Malgré ce grand froid , nous ne trouvâmes
de la neige que dans les bois. Nous arrivâmes à neuf heures fur les
bords de la riviere de Mémel,.dont,le vrai nom eft Niémen, Après
avoir paffé dans un bac la riviere, qui n’étoit gelée que vers les bords,
nous montâmes une rue qui conduit à Grodno : cette ,rue, ainfï
que toute la Ville, eft pavée de granité de différentes couleurs. O n
divife la Ville.en haute & baffe : la première a une Citadelle ifolée,
qui communique avec la V ille par le moyen d’un pont-levis placé
fur une gorge très profonde,: le chemin eft très beau depuis Varfovie
jufqu’à cette Ville ; mais à mefure qu’on approche du N o rd , le
terrein commence à .devenir inégal, &c forme des monticules. En
traverfant à un mille de Rotnica une petite riviere gelée , la glace
fe caffa, & une de nos voitures s’embourba. Il nous fut impoffible de
la retirer de cet endroit,, quoique .nous euffions attelé à cette voiture
tous les chevaux, au nombre de dix ; & nous fûmes obligés d’en envoyer
chercher quatre nouveaux: il étoit onze heuresdw foir, Le
froid devint des plus violents ; nous fîmes du feu au milieu de$ glaces
& de la neige : les chevaux arrivèrent enfin pendant que nous
foupions, & nous fortîmes, après bien des peines, de ce malheureux
endroit. Les montagnes fe mulpiplipient à mefure que nous avancions
: quoique peu élevées, elles nous oppofoient de grandes difficultés.
Les chevaux ne font point ferrés en Pologne, & la plupart de
Tome I, Q