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 contraire. Les  femmes y après  le dîné, relient dans le même appartement  
 ,  où  elles continuent  de s’ennuyer ;  car trente femmes  fans  
 hommes ne peuvent que s’ennuyer. 
 O n  fait un très  grand  plaifir aux Habitants de les aller voir ; c’ell  
 ce qu’on appelle  aller  en  gajl.  Dès  le moment qu’on eft entré ,  la  
 femme  paroît  avec le mari  ;  elle donne un baifer fur  la  bouche  à  
 toute  la  compagnie.  Souvent  c’ell  une  vieille  feptuagénaire  qui  
 arrive en clopinant, avec une tête tremblante, & quelques relies de  
 dents pourries  : mais qu’elle  foit  vieille  ou  jeune y laide oii jolie,'la  
 cérémonie ell toujours la même ; ce feroit un  crime dans tous les cas  
 d’y porter de la gaieté. J ’ai  connu une  p.erfonnë en Sibérie qui dans  
 ces  circonitances  alloit quelquefois au devant des Dames ; &  quoique  
 l’étiquette exigeât qu’il eût un air bouru, un joli minois le dilïî-  
 poit  toujours.  Un  de  fes  amis  l’avertit  qu’il manquoit  effentielle-  
 ment  aux  femmes, qui  ne  s’en plaignoient  pas, &  aux hommes,  
 qui  en  étoient très mécontents. 
 . Après cette  première  cérémonie ,  la  Maîtrefle  de  la maifon  fe  
 retire. Elle reparoît  prelque aulïi-tôt  avec  un  cabaret  &  des  verres  
 remplis  de  liqueurs  :  tout le monde  fe  leve ;  elle  en  offre ; on fe  
 falue,  on boit,  on mange pendant quelque  temps,  & l’on s’en va,  
 Dans les  intervalles  les  hommes font quelquefois  la  converfation ;  
 mais les femmes n’en  font  jamais.  Si un Etranger arrive,  il engage  
 l’Affemblée à aller  lui  faire  une  vifite  ;  ce qui  ne  fe refufe  jamais.  
 O n   ne  fort de.chezlui qu’après avoir  bien bu ,  &  pour  aller boire  
 chez un  autre  voifin.  O n   pafTe ainfi  toute  l’après-midi à faire des  
 vifites, & communément on  fe retire, ivre. 
 Toute  la  Nation,  depuis Mofcou  jufqua  Tobolsk, neconnoîc  
 point  d’autre plaifir  de  fociété : on danfe quelquefois; mai?  cela  eft  
 très  rare,  excepté dans  Les mariages (i). 
 (?)  parlerai ailleurs de  leurs $ab, 
 Depuis cinquante ans environ, les femmes ont iecoué à Mofcou  
 & à Saint-Pétersbourg, le joug de  l’efclavage de leurs maris. Avant  
 ce temps elles vivoient &   elles  étoient traitées delà même maniéré  
 que  dans  le  refie  de  la Ruffie.  Si les moeurs n y ont pas  beaucoup  
 gagné,  c’efl qu’elles étoient trop  corrompues avant ce changement.  
 En  général  un  homme  a  toujours  de  grands  torts  dans  toute  la  
 Ruflie s’il n’efl qu’aimable. 
 Le féjour de Mofcou m’a paru préférable,  à beaucoup  d’égards ,  
 à celui de Saint-Pétersbourg. La Ville de Mofcou n’étant éloignée  
 que  de  deux  cents  petites  lieues  de  Saint-Pétersbourg,  les Gouverneurs  
 font trop à portée du Souverain, pour être“des Tyrans ; &   
 les Habitants en font afTez éloignés,  pour ne pas craindre l’échafaud  
 par  de  légères indifcrétions  de  Société  (i). O n  cherche le plaifir à  
 Mofcou  ; on  ofe à peine en  parler à Saint-Pétersbourg. 
 Le Peuple RufTe n’ayant aucune idée de la liberté, eft beaucoup  
 moins malheureux  que laNobleffe.  Il  a  d’ailleurs peu de défirs,  &   
 par confequent moins  de  befoins  :  il ne connoît,  principalement  
 au-dela  de  Mofcou ,  ni  induflrie ni commerce.  Le Rufle n’ayant  
 rien en propre,  eft communément  indifférent fur tout ce qui“ peut  
 augmenter fes richeffes. La Nobleffe même ayant toujours à craindre  
 l’ex il,  &  la  confifcation  de  fes biens ,  s’occupe  moins  de les  
 améliorer,  que des moyens  de fe procurer promptement des fonds  
 pour fatisfaijte fes goûts du moment. 
 Les  Payfans  Rufles fe nourrifïent fort  mal  ;  &  par confequent  
 facilement  livrés  à  la  fainéantife  dans  leurs  Poêles,  ils  y vivent 
 (i ) M. de Montefquieu rapporte, Liv. 11 , Chap, i ides Paroles indifcretes, que dans le  
 Manifefte de  la feup Czarine  ,  donné contre la Famille d’Olgorouki en 1740, un de ces  
 Princes eft condamne a mort pour avoir proféré des paroles indécentes qui avoient rapporc  
 i  la perfonne de la Czarine  :  un  autre pour  avoir malignement  interprété fes fages dif-.  
 .portions  pour 1 Erppire, &  offenfé là Perfonne facrée par des  paroles peu refpe&ueufea, 
 Terne/.  ~  Rb