N ’ayant pas voyagé au-delà deTobolsk, jene puis faire connoître
le climat du refte de la Sibérie , d’après mes obfërvations : mais les
nouveaux Voyageurs ayant parcouru cette contrée le thermomètre
a la main , & avec un efprit d’obfervation que tous leurs prédécef-
feurs n’avoient pas, on eft en état de donner l’idée la plus exaéle
du climat de ce vafte Pays : elle eft nécelfaire dans cet Ouvrage.
Suivant les obfërvations de M. Gmelin ( i ) , faites en Sibérie
dans la Ville d’Argunskoi (a), le climat eft lî froid dans cette contrée
, qu'on y trouve plulieurs endroits où la terre ne dégele pas à
plus de trois pieds de profondeur. Ceux qui travaillent aux Mines
d’Argent des environs de cette V ille , ont pratiqué dans les galeries
abandonnées des celliers pour garantir leurs proviiions des grands
froids qu’on éprouve à Argunskoi, même en été. L ’air eft encore
ii froid dans ces celliers, que la glace qui s’y forme en hiver n’y fond
point en été : cependant le 1 7 Juillet 173 y , le thermomètre y
étoit un peu au deffus de la congélation.
Le même Voyageur éprouva dans la Ville d’Ieniifeik (3), pour
la première fois, le plus grand froid de Sibérie (4), vers le milieu de
Décembre. » L ’air étoit comme gelé : il reifembloit à un brouillard ,
» quoique le Ciel fut fans nuage. Cette efpece de brume, ou plutôc
» cet air extrêmement condenfé, empêchoit la fumée des chemi-
» nées de s’élever : les Moineaux & les Pies tomboient & mou-
» roienr glacées , lorfqu’on ne les portoit pas auffi-tôt dans un en-
» droit chaud. Quand on ouvroit la porte d’une chambre, il fe
» formoit fubitement un brouillard auprès du poêle, & dans l’efpace
(1) Gmelin , Voyage en Sibérie , Edition françoife, Tome premier, pag. 1 51 & 2 5 8.
(2) Latitude, cinquante degrés cinquante-trois minutes ; longitude, cent trente-fîx de»
grés quarante-deux minutes.
(3) Latitude, cinquante-huit degrés vingt-fept minutes3 longitude, cent dix degrés
quarante minutes.
(4) Gmelin, Tome premier, pag. 181 & 182»
" de vingt-quatre heures, les fenêtres étoient couvertes entièrement
« d une glace épaiffe de trois lignes ».
M. Gmelin repaffa par la même Ville en retournant à Saint-
Pétersbourg en x73 9 , à ce qu’il paroît ( i ) : il y fit plufieurs obfer-
vations, pour conftater fi le froid y étoit toujours auifi vif. » Le
» Oétobre à minuit, le thermomètre de M . Deliile fe foutenoit
» à cent quatre-vingt-dix degrés, qui répondent à vingt-un de celui
» de M. de Réaumur, au deflous de la glace. Le thermomètre de
» M. Deliile defcendit à Ieniffeik, vers la fin de Janvier du même
» hiver, à deux cents quinze degrés, qui répondent à trente-huit
» de celui de M. de Réaumur. Depuis ce temps il n’y eut plus de
» froid ; la riviere d’Ieniifea dégela le 8 A v r il, & en trois femaines
» la campagne reprit fa verdure ; ce qui prouve que les hivers y
» varient confidérablement, ainfi que par-tout ailleurs.
» Suivant le même Voyageur ( z ) , le froid commençoit à fe
» faire fentir vers la fin d’Août 173 6 à Olekminskoi (3) : les arbres
» fe dépouillèrent les premiers j ours de Septembre ; toutes les herbes
•> fe flétrirent : il tomba de la neige, & le froid forma du verglas.
»> Le 19 Septembre la riviere Lena commençoit à charier : peu de
» jours après on en tiroit des morceaux de glace épais de plus de
» deux pieds. Les Habitants du Pays en font un uiàge très avanta-
« geux. Leurs fenêtres ferment très mal ; & les moyens ordinaires,
*> tels que le fumier & les peaux, ne peuvent garantir du grand
» froid ni les chambres ni les celliers. O n prend donc des morceaux
»> de glace bien purs, de la grandeur de la fenêtre ; on les place
» par dehors, on les arrofe d’un peu d’eau, & la fenêtre eft faite»
{1) Gmelin, Tome 2, pag. 51.
j (2) Tome premier, pag. 352 & 35,5,
Ci ) L itita d e , foixanje degrés vingt minutes ; longitude, sent trente fept degrés,
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