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 d’ailleurs prié M. Cléopet de me faire voir  les  autres  Mines ;  &  il  
 fut  décidé ,  en  conféquence,  qu’on  coucherait  dans  ce hameau,  
 afin de pouvoir y  aller  le jour  fuivant.  O n   eut beaucoup de peine  
 à trouver des matelas  :  on les étendit  dans la chambre où l’on avoit  
 loupé.  Les  uns y couchqfent, &  les autres paflèrent la nuit dans les  
 voitures.  Cette efpece dé tracas Si de dëfordre,  loin d’incommoder  
 l’alfemblée, y  répandit  au  contraire  une nouvelle  gaieté.  On  retourna  
 le  jour  fuivant à Ekatérinbourg,  où  je reçus des  fêtes  des  
 principaux Habitants de la Ville.  J’y  reftai quelque temps,  dans le  
 deffein d’y faire des  obfervations  aftronomiques  Si de mieux  connoître  
 leurs Mines.  J’en donnerai  le détail à la fin de cet Ouvrage.' 
 Ekatérinbourg eft une petite ville, fondée par Pierre I en  1713  :  
 elle  eft  du gouvernement de Tobolsk,  &  le  centre  de  toutes  les  
 Mines & Fonderies de Sibérie  :  auffi n’eft-elle  habitée,  pour ainii  
 dire ,  que par des perfonnes  qui ont  rapport  aux Mines.  Les Habitants  
 font Allemands pour la plupart. La foeiété y eft plus agréable  
 que dans aucune autre ville de Sibérie,  parce que les moeurs y  font  
 plus analogues  à celles du  refte de l’Europe. 
 La Ville a un Commandant,  dont  l’autorité  ne s’étend que fur  
 le Militaire. La Chancellerie y  juge toutes les affaires Si tout ce qui  
 concerne les Mines  :  elle  a le  gouvernement  général  de  celles  des  
 environs,  ainfi que  de  celles de Soiikamskaja ,  de Cazan  &  d’O -   
 renbourg,  foit qu’elles appartiennent à la Couronne  ou  aux particuliers. 
   La  Chancellerie  a  les mêmes pouvoirs &  les mêmes qua-  
 Etés qu’un Gouverneur ;  elle n’eft fubordonnée qu’au Collège Impérial  
 des Mines,  qui  fait  fa  réfidence  à Saint-Pétersbourg.  Les  
 Mines de  Colivan  Si de Nerczinsk n’ont  point de rapport  à  cette  
 Chancellerie ;  elles  ont  leurs jurifdiétions particulières. 
 La  Chancellerie. d’Ekatérinbourg  a  au-deffous  d’elle cinq juriff  
 dictions qu’on appelle Comptoirs.  Ces différentes jurifdictions ont 
 pour 
 pour objet l’adminiftration de la Juftice,  les impôts,  l’exploitation  
 des Mines ,  leur  revenu ,  Si  le  détail des  biais  domaniaux de  la  
 Couronne. Le Souverain entretient dans cette Ville une Manufacture  
 pour  travailler  le  marbre,  le porphire.  On y  polit  auffi  des  
 cornalines,  des fardoines,  Si un  cryftal brun qu’on trouve dans les  
 Mines  des  environs.  C e  travail fe fait par le moyen de  différentes,  
 machines que l’eau fait mouvoir. 
 La  gatnifon  eft  de trois ou quatre cents hommes.  Il y a un Hôpital  
 , une  Apothicairerie  ,  de  différentes  maifons pour la Douane  
 &  la vente de l’eau-de-vie.  Les Officiers qui ont la  direction de ces  
 derniers  établiffements,  forment une  jurifdiétion qu’on  appelle le  
 Commiffariat :  mais il eft fubordonné à la Chancellerie. 
 Pierre 1“ . avoit  ordonné l’établiffement d’une Ecole où  l’on de-  
 yoit inftruirela Jeuneffe dans  les Langues Latine, Allemande,  Italienne, 
   dans  les  Mathématiques  & le Deffin  :  je n’y  ai  trouvé ni  
 Maîtres ni Ecoliers ;  le Clergé même ne lait pas le Latin.  Cet éta-  
 bliffement  eft réduit à un Maître d’école,  dont  les  appointements  
 font fixés à cent roubles, ou cinq cents  livres argent de France.  C e   
 Maître d’école étoit  du nombre des perfonnes  qui me  firent l’honneur  
 de me venir voir immédiatement après mon arrivée. Quoiqu’il  
 fût âgé  de foixante ans,  il étoit d’une gaieté & d’une  vivacité  dont  
 je fus furpris.  Il m’adreffoit fouvent la parole ; mais comme je n’en-  
 tendois  pas  la  langué  Ruffe,  &   que j’étois  d’ailleurs très occupé à  
 recevoir la  compagnie,  il ne  me fut  pas  poffible  de  m’entretenir  
 avec lui. 
 C e  Maître d’école revint  chez moi  à mon  retour des Mines, Si  
 je fus qu’il étoit le petitrfils d’un Réfugié François. Son grand-pere,  
 nommé  Mouijjet,  étoit  Capitaine  dans  les  Gardes  Françoifes  :  
 il s’étoit  retiré  en  Ruffie  du  temps  de  la  révocation  de l’Edit de  
 Nantes.  Je  fus  le  voir le  lendemain  dans  fa  petite  chaumière.  Il  
 Irait marié, &  avoit quatre  ou  cinq enfants.  C e  bon homme étoit  
 Tome I.  T e