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 plus  étendues.  A   peine  fûmes  - nous  fortis  du  bateau  qu'il  découvrit  
 une  Infcription finguliere fur une  pierre  qui  étoit au bord  
 du fleuve.  Nous  fîmes apporter  des  pioches  du  bateau.pour a  découvrir  
 ;  nous  effayâmes  de  copier  cette écriture que nous ne con-  
 noiffions  pas  :  l’étendue  de  cette  Infcription,  le froid qui  fe faifoit  
 fentir vivement,  Si la nuit qui  commençoit à couvrir la terre, nous  
 déterminèrent à abandonner ce  travail. Nous refolumes de deterrer  
 la pierre , & de l’emporter dans le bateau. Sa grandeur nous obligea  
 d’aller chercher du  fecours dans le Village  voifin. Les Payfans que  
 nous  amenâmes  nous  apprirent  qu’on  trouvoit  quantité  de fem-  
 blables Infcriptions dans tous les environs de l’endroit ou nous étions.  
 La  multitude  de  ces  Infcriptions  fit  d’abord  difparoître  le  merveilleux  
 de notre découverte.. Nous  cherchâmes, mais  un peu  trop  
 tard,  à l’approfondir.  Elle fe réduifit à celle de plufieurs Tombeaux  
 de Juifs,  dont  les  Infcriptions  étoient  les  Epitaphes  en  Langue  
 hébraïque. 
 Quoique  d’abord un peu interdits, nous prîmes le parti de nous  
 en  amufer,  Si  nous en foupârnes  de  meilleur  appétit, a  caufe  du  
 grand  exercice  que  nous  avions  fait.  Nous  fumes  aflèz  heureux  
 en  nous  retirant,  de  fauver  la  vie  à  un  jeune  homme,  qui  dans  
 un  dépit amoureux  alloit  fe jetter dans  le Danube : nous en fumes  
 avertis par le cri de quelques perfonnes qui couroient après lui ; nous  
 l'arrêtâmes,  Si le remîmes entre leurs mains. 
 Nous' partîmes le. lendemain ,   Si  nous  paflamesie.pont de Ra-  
 tisbonne,  qu’on  nous  avoit  dit  très  dangereux.. O n   nous  citoit  
 pour  p'reuye  décifive  la  mort  d’un Ambaffadeur qui y  avoit péri.  
 Nous reconnûmes que ce pont ne devoit cette célébrité qu a la mort  
 de l’Ambaifadéur. 
 Nous étant  arrêtés à midi  le même  jour,  pour prendre  des pro-  
 yifions  dans  une  petite Ville.fituée  fur le bord du Danube,  nous 
 f 
 fûmes  fort étonnés en rentrant dans le bateau ,  de trouver parmi les  
 Mariniers  une  jeune  Demoifelle  de  quinze à  feize ans qui s etoit  
 embarquée : elle réuniffoit un air diftingué, à la figure la plus agréable  
 : fes yeux baillés, fon maintien,  fa timidité,  fon  habillement,  
 tout annonçoit une  perfonne  honnête ;  auflï l’engageâmes-nous à  
 entrer dans  notre  chambre ; elle y  confentit  :  fon embarras & une  
 trifteffe  profonde  étoient  exprimés  dans  les  regards  languiflànts  
 qu’elle  jettoit  fur nous  dé temps  en temps. Nous la raffinâmes par  
 toutes les attentions que nous eûmes pour elle : nous apprîmes après  
 quelques queftions, qu’elle demeuroit chez un oncle qui étoit Curé à  
 quelques  lieues  de la derniere Ville où nous nous étions arrêtés : elle  
 s’étoit  fauvée  de chez lu i,  parce qu’il vouloit  la  forcer à être  Reli-  
 gieufe. Nous la  conduisîmes j ufqu’à Paffau,  où étoit fa famille. 
 Nous arrivâmes le  14  Décembre à un gros Village. C e  jour étoit  
 la veille de Noël. Nous allâmes â l’Eglife poury entendre les Offices,  
 qui  furent  très  longs. Je reconnus le lendemain,  que ma dévotion  
 m’avoit coûté la perte d’un porte-manteau qui contenoit une grande  
 partie  de  mon  linge.  C ’efl  l’époque du débris de ma garde-robe,  
 dont  je n’ai rapporté que peu de chofe à Paris 'à le refte m’a été  volé  
 dans le cours de mon voyage. 
 Après plufieurs  jours  de routé ,  nous parvînmes  le  1 7  a Lintz  ;  
 nous trouvâmes dans  les environs de cette V ille un amas de granités  
 travaillés  pour  des efcaliers,  cheminées  Si  autres  ornements. Les  
 Mariniers nous  apprirent qu’on  tiroit  ces granités des  environs  de  
 cette V i lle , où ces pierres  étoient communes. 
 Le  Danube  fépare  Lintz  en  deux  parties,  qui  communiquent  
 par un pont de bois ;  j’en  déterminai la longueur de trois cents cinquante  
 pas mefurés exactement. J’ai évalué cette diftanee à cent cinq  
 toifes,  &  la  profondeur  de  ce  fleuve  eft  datfeicet  endroit  de  cent  
 pieds, ou de dix-fept toifes environ , fuivant l’eftime des Mariniers.  
 Le  brouillard qui avoir été confidérable  toute la matinée du 2.8 ,  fe