cloifons de planches ; mais fortant des bains tout nuds, les deux
fexes fe voient dans cet état, & s’entretiennent fouvent des chofes
les plus indifférentes : ils fe jettent enfuite confufément dans l’eau
©u dans la neige. Dans les Hameaux pauvres 8c éloignés, ils font
fouvent tous enfèmble dans le même bain. J’ai vu dans les falines de
Solikamskaïa des hommes qui y prenoient les bains ; ils venoient de
temps en temps à la porte, pour s’y rafraîchir, & y caufoient tout
nuds avec des femmes, qui la plupart apportoient aux Ouvriers de
la faline, de l’eau-de-vie ou de la quouas, Les bains des Riches ne
différent de ceux du Peuple que par une plus grande propreté : en
général l’appartement des bains eft tout en bois ; il contient un
poêle, des cuves remplies d’eau, & une efpeçe d’amphithéâtre, fur
lequel on parvient par plufieurs degrés ( IV. 5 ), Le poêle a deux
ouvertures femblables à celle des fours ordinaires ; la plus baffe fert
pour mettre le bois dans le poêle, 8c la deuxième contient un amas
de pierres foutenues par un grillage de fer : elles font continuellement
rouges, par l’ardeur du feu qu’on entretient dans le poêle ; on
en verra l’ufage par la fuite. En entrant dans le bain on fe munit
d’une poignée de verges, d’un petit feau de fept à huit pouces de
diametre , qu’on remplit d’eau , 8c l’on fe place au premier ou deuxième
degré. Quoique la chaleur foit moins çonfidérable dans cet
endroit que par-tout ailleurs, on eft bien-tôt en fueur : on renverfe
alors le feau d’eau fur fa tête , 8ç après quelques intervalles on en
renverfe un deuxième 8c un tioilîeme. O n monte enfuite plus haut,
où l’on fait les memes opérations, & enfin fur l’amphithéâtre, où la
chaleur eft la plus çonfidérable. On s y repofe un quart d’heure ou
une demi-heure environ, 8c dans cet intervalle on fe répand plufieurs
fois de l’eau tiede fur le corps. Un homme placé devant le poêle
jette de temps en temps de l’eau fur les pierres rouges ; dans l’inftant
des tourbillons de vapeurs fortent avec bruit du poêle, s’élèvent
jufqu’au plançher, & retombent fur l’amphithçâtre, fous la forme
d’un nuage qui porte avec lui une chaleur brûlante. C ’eft alors qu’on
fait ufage des verges, qu’on a rendues des plus fouples, en les pré-
fentant à cette vapeur au moment qu’elle fort du poêle : on fe couche
fur l’amphithéâtre, & le voifin vous fouette avec une poignée
de verge, en attendant que vous lui rendiez le même fcrvice ; & dans
beaucoup de bains, des femmes font chargées de cette opération. Pendant
que les feuilles font attachées aux verges, on ramaffe par un tour
de main un volume çonfidérable de vapeurs : elles ont d’autant plus
d’action fur le corps , que les pores de la peau font très ouverts, 8c
que ces vapeurs brûlantes font pouffées vivement par les verges dont
on continue à vous fouetter fur toutes les parties du corps.
Dans les bains particuliers que je pris, j’éprouvai une chaleur fi
étouffante, lorfqu’on me ramaffoit fur le vifage avec les vemes
ces tourbillons de vapeurs, que je n’aurois pu y réfifter, fi ces
moments avoient eu quelque durée. Délirant favoir le degré de
chaleur que cette manoeuvre produifoit, je fis la même opération
fur le thermomètre, qui ne monta cependant que de trois degrés^
Après avoir été fouetté, on me jetta de leau fur le corps, & l’on
me favona : on prit aulfi-tôt les verges par les deux bouts, & l’on
me frotta avec tant de violence, que celui qui me frottcit éprouvoit
une tranfpiration auffi çonfidérable que moi. O n jetta de nouveau
de l’eau fur mon corps, fur les pierres rouges , 8c l’on fe difpofa à me
fouetter de nouveau ; mais les verges n’ayant plus de feuilles, dès le
premier coup je me levai avec tant de vîteilè, que le fouetteur fut
culbutéde l’efcalier fur le plancher : je renonçai à être fouetté & frotté
plus long-temps. Dans quelques minutes on m’avoit rendu la peau
auffi rouge que de l’écarlate. Je n’avois jamais pu refter fur l’amphithéâtre;
mais j’y fis porter mon thermomètre, qui monta à cinquante
degres, pendant qu’il fe foutenoit à quarante-cinq dans l’endroit
où j’étois : je fortis bien-tôt de ces bains.
Les Ruffes y demeurent quelquefois plus de deux heures, 8c re