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 remplir  Tes  vues. Munie connoilToit Biren &  les Ruffes r il répondit  
 à la Princeffe ,   que s’étant occupée  de  ce projet,  elle couroic les  
 plus  grands  rifques  d’être  arrêtée  avec  fes  Partifans,  fi Biren ne  
 l’étoit dans vingt-quatre heures.  Munie fe charge  de cette comiiiif-  
 fion,  & fe retire auifi-tôt. Afin d’éloigner toutes les inquiétudes du  
 Régent,  il prend le chemin  de la  maifon de Biren,  pour aller  lut  
 faire une vifite :  il revient fur fes pas à moitié chemin, dans la crainte  
 d’être  fuivi  par quelque efpîon de la Princeffe ,  & d’être foupçonné  
 de  trahifon. Il va chez lui , &  n en fort  qu a minuit le  r 8 Novembre  
 1740 , avec quelques  Soldats de confiance. Il arrête Biren  dans  
 fon lit  r on  l’envoie quelques jours  après en exil en Sibérie ;  il y eft  
 enfermé dans une maifon bâtie au milieu d’un marais,  &  la Princeffe  
 de Brunswic  eft reconnue Régente. 
 Les différentes révolutions que la Rufiïe avoit éprouvées en préparaient  
 de  nouvelles,  & en facilitaient les moyens.  C e  Peuple,  
 toujours  efelave  ,  n’étoit lié à fon Souverain ni par lès Laix ni  par  
 l’amour  :  l’intrigue &  le droit du plus fort offraient le Trône à quiconque  
 ofoit s’en emparer. 
 Leftoc, Chirurgien  étranger,  attaché  à la Princeffe Elifabeth,  
 fille de Pierre Ier, forme le projet de la placer fur le Trône, de concert  
 avec un Miniftre  d’une Puiflânce d’Europe. Cette  révolution  
 eft fur le point d’être exécutée, quand la Régente en eft avertie par  
 des  avis qu’elle reçoit  de Bruxelles. Elle fait venir la Princeffe Eli—  
 iabeth ,  lui en fait part auflkôt,  perfuadée quelle ne pourra lui en  
 impofer dans ce premier moment de furprife. La contenance de la  
 Princeffe Elifabeth-,. &   fa douceur,, perfuadent la Régente de fon  
 innocence. Elifabeth retourne  chez  elle, dit à Leftoc que la Conjuration  
 eft  découverte-,  &   quelle  renonce  à  l’Empire.  Leftoc  
 l ’écoute ,   fort,  &   va  tout  difpofer  pour  la  placer  dans  quelques  
 heures fur le T rône. 
 Leftoc  ,  après  avoir  vu  les  principaux  Conjurés,   fe  rend  au 
 E N   S l B É R l E ' .   Ï I J 
 Billard  vers  huit  heures  du  foir  :  il  y   trouve  üïie  perfonne  fuf-  
 pe&e  ;  il  étoit  néceffaire  de  l’empêchér de parcourir la Ville.  La  
 paflïon  de  cet  efpion pour le  jeu lui  en procure un moyen aifé.  II  
 l’engage  à  jouer  quelques  parties de Billard,  &  le  retient jufqu’à  
 l’arrivée  d’un  de  fes  Emiffaires. Dès-lors Leftoc termina promptement  
 la partie. Il ibrtit prefqu’aulfi-tôt, &  alla fe promener autour du  
 Palais,  pour voir fi tout étoit dans l’état ordinaire. Il fe rendit après  
 Cela fur  la Place, &   y  attendit  jufqu a onze heures un autre Emif-  
 faire qulil avoit envoyé chez le Général Munie &   chez Ofterman ,  
 premier Miniftre.  Sur  l’avis qu’il  reçoit  que tout  eft  tranquille,  il  
 retourne chez la Princeffe Elifabeth, & fait conduire deux traîneaux  
 dans fa cour.  Il  lui  annonce d’un air fatisfait,  que tout eft difpofé  
 pour  la  placer fur le Trône. Elle  rejette  toutes les propofitions, Sc  
 ne veut plus en entendre parler. Il tire alors de fa poche deux petits  
 Tableaux faits  à la hâte fur des  cartes  à jouer.  Un de ces Tableaux  
 repréfentoit  la Princeffe  Elifabeth  dans  un Couvent :  on  lui cou-  
 poit les cheveux, &  Leftoc étoit fur l’échafaud. Elle étoit repréfen-  
 tée dans l’autre montant fur le Trône, aux acclamations du Peuple.  
 Leftoc, en lui donnant  ces deux Tableaux,  lui dit de choifir entre  
 les deux états. Elle choifit le Trône. 
 Leftoc ne l’entretient plus que du fuccès de l’entreprife : il l’engage  
 à prendre le Cordon de l’Ordre de Ruflïe, &  la conduit à fon traîneau.  
 Il fe place derrière avec feu M. deWoronzof, pour lorsPage de la Princeffe. 
  Deux Officiers étaient dans l’autre traîneau. Elifabeth accompagnée  
 de quatre perfonnes,prend le chemin du Palais pour s’emparer de  
 l’Empire. Vingt Soldats gagnés attendoienteependant laPrinceffe fur  
 fon paffage. Elle va d’abord au Corps-de-Garde. A  la vue de cette petite  
 troupe , le Tambour  veut  fonner  l’allarme.  Leftoc creve  d’un,  
 coup de coûteau  la peaü de la caiffe.  La Princeffe paraît en même-  
 temps avec cet air noble qui lui captivoit tous les coeurs : elle dit aux  
 Soldats en peu de mots, que fille de Pierre Ier elle  avoit feule droit 
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