A mon retour de Tobolsk à Saint-Pétersbourg, je fus engagé
en route à être garçon d’honneur. Un Officier Militaire époufa
une Demoifelle de feizeans, des plus jolies delà Ville. Je jugeai
que le pere étoit Négociant, à l’ancien habillement RufTe qu’il
avoit confervé , & à une efpece d’opulence du Pays qui paroiffoit
dans -la maifon. Je m’y rendis à cinq heures du foir : l’Affemblée
étoit brillante ; elle étoit compofée de quelque NoblefTe de l’endroit
, & d’autres perfonnes du lieu habillées à la RufTe, mais très
galamment. La jeune mariée fe faifoit diftinguer dans cette AfTem-
blée par fa parure & fa beauté. Malgré fon habillement, partie
RufTe, partie François, on découvroit dans fa taille, la tournure la
plus élégante & la plus noble : des cheveux du plus beau noir,
mais fans poudre, formoient feuls fa coëffùre : une partie étoit
nattée, & le refte tomboit en grandes boucles fur fes épaules (i)
& fur fon fexn, de la plus grande blanche«!. , ce à moitié découvert.
Elle avoit une phyfionomie très piquante, animée par deux
grands yeux noirs bien fendus, où brilloient le défir & l’amour du
plaifir.
Avant d’aller à la chambre nuptiale, on but à plufîeurs reprifes
différents verres de liqueurs, & l’on fe mit en marche de la même
maniéré que je l’ai rapporté , avec cette différence qu’il n’y avoit
point de Sorcier, Cette marche fe fit dans le plus grand férieux, &
fans parler. Nous ne trouvâmes dans la chambre nuptiale qu’une
vieille Matrone , un lit fans rideaux , félon l’ufage du Pays ; mais il
étoit d’ailleurs fuperbement paré • les autres meubles confiftoient
dans une table & quelques chaifes de bois.
La jeune mariée nous donna à tous un baifer fur la bouche, nous
préfenta de la liqueur , fut deshabillée à l’ordinaire , ainfx que le
rnari, & nous nous retirâmes dans une antichambre. Nous y refi
(t) Cett? cocffijre eft en ufsge d^ns toute la Ruftie datis ce jour de cçrénioi}ie.