D E L A R E L I G I O N
G R E C Q U E .
J j a Religion dominante de la Sibérie, ainfi que de toute la
Rulîie , eft la Religion Chrétienne du R it Grec. On doit attribuer
à Volodimer la vraie époque de fon établiffement en Rulîie, 1 an
987. Les Patriarches de Conftantinople ordonnèrent d abord les
Métropolites de Rulîie fous le Regne du Czar Fédor Iwanowitz.
Jérémie , Patriarche de Conftantinople, vint à Mofcou en 1 y88,
& facra Job Patriarche de toute la Rulîie. Depuis ce temps les Patriarches
de Rulîie furent facrés par les Evêques de la Nation : mais,
fuivant Strahlemberg, ils -continuèrent à être confirmés par le
Patriarche de Conftantinople , jufqu’au Patriarche Nicon , qui
fecoua le premier cette dépendance. Suivant M . de Voltaire dans
fon Hiftoire de la Rulîie ( page 66 ) , l’époque de cette indépendance
remonte à celle où la Rulîie eut un Patriarche pour la première
fois.
La Religion Grecque différé principalement de la Latine dans
les Articles fuivants. Les Grecs donnent le Baptême parimmerfion,
& les Latins par afperfion : les derniers confacrent avec du pain
azyme ; les premiers avec du pain levé, & ils adminiftrent le Sacrement
de l’Euchariftie fous les deux efpeces. Les Latins croient que
le Saint-Efprit procédé du Pere & du Fils ; 6c les Ruffes , que le
Saint-Efprit procédé du Pere par le Fils. La précifion de la Théologie
Scolaftique a mis de grandes différences entre ces deux affer-
tions î elles ont été la fource de bien des difputes. Cependant
plufieurs Peres fe font fervis quelquefois de ces deux façons de
parler. Dans l’Eglife Latine le Pape eft reconnu pour le premier
Evêque
Évêque de droit divin il eft en cette qualité, le centre de l’unité
de l'Eglife. Les Ruffes ne reçonnoiffent point la primauté du Pape ;
ils condamnent dans leur Cacéchifme (1) le fentiment des Latins
fur le Purgatoire : mais ils croient que ceux qui meurent dans le
péché ne font pas toujours damnés, & qu’ils peuvent être rachetés,
même des plus grands crimes, par les prières & les aumônes qu’on
fait en faveur des Morts (2.).
On prêche fouvent dans ce Catéchifine la nécelîité de faire des
aumônes à l’Eglife, pour être heureux dans l’autre monde. Le
Clergé de Ruifie doit à cette dodtrine les grands biens qu’il a acquis
dans le temps de la ferveur des premiers Chrétiens. Le Czar Wolo-
dimer parcourait avec fon Patriarche Cyrus une partie de fes Etats,
(1) J’ai traduit du Latin ce que je rapporte ici, d’après le Catéchifme des RufTes, Cet
Ouvrage me fut communiqué pendant quelques joiirs en 1765, par l’Aumônier de l’Am-
baifadeur de Ruflïe. L’édition a été faite à Breilau en 1751 , chez Jean-Jacques Korn.
(2) Parmi les hommes qui meurent, n’y en a-t-il pas quelques-uns qui tiennent un
milieu entre les fauvés & les damnés ?
qt. Il nefe trouve point d’fhommes de cette forte $ mais il eft conftan tque plufieurs
ont été tirés des Enfers, non par la pénitence qu’ils ont faite après leur mort, mais par
les pieux offices des vivants, & parlesPrieres.de l’Eglife, fur-tout par le Sacrifice de la
MeiTë, qu’elle offre communément pour tous les vivants êç tous les morts. Du-reftè ces
ames ne peuvent point fe délivrer par leurs propres oeuvres, ni par leur pénitence, ni rien
faire qui puiffe les délivrer de l’Enfer.
65. Que doit-on penfer des aumônes & des pieux offices qui fe font pour le foulages
ment des morrs ?
Çi. Théophylaéte commente ainfi les paroles de J. C ., rapportées auOhapitre 12 de S.
Luc.c- Craigne£ celui qui a lapuijjanct de vous jetter dans la gehenne ( l’Enfer ). Prenez garde ,
dit Théophylaéte , que J. C. ne dit pas Craigne£ celui qui après avoir donné la mort précipite
dans C enfer, mais craigne£ celui qui a le pouvoir de vous y jetter ; car tous les hommes
généralement qui meurent dans le péché, ne font point jettés dans l’Enfer j mais il eft au
pouvoir de Dieu de les y jetter, ou de leur faire grâce. Je dis ceci à caufe des oblations & des
aumônes qui fe font en faveur des morts, puifqu’elles 11e fervent pas peu, même à ceux
oui font fortis de cempnde çcant fpuillés des plus grands crimes. C’eft pourquoi ne difcoa*
Tome I , R