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 de  les  voir.  Cet objet étoit  celui  qui m’avoit déterminé à prendre  
 la route d’Ekatérinbourg,  &  à faire quelque féjour dans  cette Ville.  
 M . Cléopet étoit un des Officiers  qui  en  avoient  la principale di-  
 reétion  :  il me donna la plus grande idée de leurs Mines d’or,  en  
 m’en faifant  voir quelques échantillons qui étoient très riches.  Ces  
 Mines  étoient fituées à  quelques lieues  de  la Ville  : nous y fûmes  
 le lendemain :  nous partîmes de grand matin, accompagnés de plu-  
 iîeurs voitures & de beaucoup de perfonnes à cheval.  Je paffai toute  
 la matinée à voir les Mines. M. Cléopet me conduifit  à deux heures  
 dans une  petite  maifon où il avoir  fait préparer  un  dîner des  plus  
 fplendides.  O n  fit  venir,  vers  la  fin du dîner,  toutes  les  filles du  
 village  :  elles  s’étoient  parées  comme  pour un jour de fête  :  elles  
 chantèrent tout le temps qu’on  fut à table. On  donna un petit bal  
 après le dîner : voyant qu’il languiifoit,  je pris une de ces payfannes  
 &  je  la fis  danfer,  O n   m’avertit immédiatement après ,  qu’il étoit  
 de  la  plus grande  indécence de danfer  en Ruffie avec une Efclave.  
 Je  ne  pus  réparer  ma faute qu’en  la rendant commune  à toute la  
 fociété;  & après  quelques  petites  explications,  toute  l ’affemblée ,  
 hommes,  femmes,  payfans  &  payfannes,  danferent tous enfem-  
 b le ,  ainfi que cela fe pratique par-tout  ailleurs dans ces  çirconftan-  
 ces. Tout  le monde en fut fi fatisfait,  qu’on danfa jufqu’au  fouper,  
 Leurs inftruments de mufique  font la Balalaïca &  le Violon.  La  
 halalaïca eftuneefpece de guitarre  : un Ruffe en touchoit ( TomeTy  
 N°. X X V ,   )  Le violon  n’eft qu’un morceau  de bois groffiérement  
 creufé  :  il n’a que trois  cordes de crin  de  cheval;  &  oh  fait ufage ,  
 au-lieu de réfine, d’un morceau decorce de fapin,  attaché au violon  
 avec  une  corde.  U n   Tartare avoit cependant un  violon plus parfait. 
  Les danfes Ruffes me parurent n’avoir aucun rapport avec celles  
 du  refte  de  l’Europe,  excepté  avec  les  Allemandes.  Les  Ruffes  
 danfent  fouverij;  une  douzaine enfemble ; quelquefois deux  fçulçment, 
   un homme &  une  femme  :  leurs  danfes  font  la  plupart de  
 caraétere  :  elles m’ont  paru  anciennes,  &  n’avoir  aucun  rapport  
 avec la  fervitude dans laquelle les hommes tiennent les femmes. 
 Dans leuns danfes de  caraétere,  un  amant  exprime fon amour à  
 fa maîtrefTe par l’attitude & les geftes les plus lafcifs.  Sa maîtrefTe y  
 répond en y joignant  les  grâces  de  fon  fçxe  :  grâces  d’autant plus  
 piquantes,  que  l’état  languiffant  où  elles“vivent,  met  dans  leur  
 aétion une certaine langueur qui leur donne plus d’expreffion & de  
 tendreffe.  La femme appuie quelquefois fes deux mains furfes hanches  
 ,  &i  fixe  de  cote  fbn amant avec  deux  grands  yeux  noirs  &   
 ouverts, tandis que fa tête & fon corps font penchés du côté oppofé :  
 elle  femble  repouffer  fon  amant par  cette  attitude  fiere.  Celui-ci  
 avance  alors en  fuppliant,  la  tête  baiffée,  les  deux  bras  pliés en  
 avant,  &  les deux mains fur fa poitrine : il eft  dans un état de fou-  
 miffion &   de  douleur. 
 .  Quelque  rapport qu’aient les  danfes Ruffes avec les Allemandes  
 par  l’expreffion  &   la  vivacité ,  elles en  différent d'ailleurs  confidé-  
 rablement.  Les danfes  Allemandes  ne  refpirent  en  général que la  
 ■  gaiete & le plaifir, elles font communément accompagnées de beaucoup  
 de  fauts  .  les danfes Rufles,  au  contraire,  s’exécutent terre a  
 terre ,  éc expriment plutôt le défir que  la jouiffanee ;  elles font plus  
 tendres  & plus expreffives. 
 La danfe  Ruffe eft  quelquefois  une efpece  de pantomime,  qui  
 demande beaucoup de foupleffe &  de légéreté  ( Tome / , N°. X X V .)   
 Les jeunes  gens peuvent feuls  danfer,  ils s’en  acquittent  avec une  
 adreffe  finguliere  :  ils  tournent  fur  un  pied,  prefque  affis,  &   fe  
 xelevent  dans  un  inftant  pour  prendre  une attitude  bifarre &  gro-  
 tefque,  qu’ils  varient  à  chaque  inftant,  avançant,  reculant,  ou  
 tournant  autour  de  1 appartement.  Ils  danfent  fouvenc  feuls,  ou  
 avec une femme qui ne fait prefque aucun mouvement. 
 O n  n avoit  pas prévu,  en  partant  dEkatérinbourg,  que  cette