en temps dé paix j & on trouve encore parmi fes troupes plus de
vingt-fept mille hommes de troupes étrangères, qui font à fa folde.
Malgré la fageffe de cette adminiftration , il eft confiant que la
population n’augmente pas en France , fi elle ne diminue.
La Ruifie, quoique moins peuplée que la France, eft forcée à
Caufe de l’étendue de fes Etats, d’avoir en temps de paix un Etat
Militaire de près de trois cents mille hommes ou au-moins de deux
Cents cinquante mille hommes , fi elle veut avoir une armée de
campagne de cinquante mille hommes environ. O r , quel tort ne
doit pas faire à la population ce corps confidérable de troupes
dans un Etat , où les autres caufes de dépopulation femblent annoncer
la deftruftion entiere de la Nation. ( Voyez l’article de la
population ).
D ’après tout ce qui a été d it , on peut faire le réfumé fuivant.
L ’Etat Militaire de Ruifie , en y comprenant les troupes de mer,
de gouvernement & de campagne , fe monte à trois cents trente
mille hommes ( page 2J9 ).
La Ruifie, quoiqu’avec un revenu de foixante-einq à foixante-
dix millions, argent de France , peut entretenir dans fes Etats ce
corps confidérable de troupes , parce que la paie des foldats eft très
■modique en argent, & qu’elle envoie ces troupes en garnifon dans
les Provinces fertiles, qui fourniiTent en nature les denrées nécef-
faires à leur fubiîftance ( page 173 ).
La Ruifie avec un Etat Militaire fi nombreux, ne peut mettre en
campagne qu’un corps effectif de foixante à foixante-dix mille hommes
de troupes réglées ( page 176 & 277 ), & elle dépeuple fes Etats.
Cette Puiffance.ne pouvant faire aucune dépenfe extraordinaire,
vu la modicité de fes revenus, n’eft pas en état par elle-même d’entretenir
hors de fon Empire ce corps d’armée, parcequ’elle n’a plus
la facilité de le nourrir par le moyen des denrées que les peuples lui
fourniiTent dans les Provinces de cet Empire ( pag, 271 & fuivantes).
La Marine de Ruifie eft foible , non-feulement à caufe que le
•nombre des vaiffeaux eft très petit, mais encore parce que le Corps
des Officiers de mer eft auifi peu inftruit, que celui de terre ; d’ailleurs
les Ruffes n’ont point de Matelots, & n’en auront jamais,
tant qu’ils ne feront pas le commerce par eux-mêmes ( page 2 y 6 ).
L ’Artillerie Ruffe eft très bien fervie ( page 280 ).
La Cavalerie eft la plus mauvaife de l’Europe ( page 281 ).
L ’Infanterie forme íes meilleures troupes 3 la plus grande partie
eft parfaitement difciplinée : elle n’eft point propre pour attaquer ,
mediocre pour ié défendre , fi elle n’eft pas à couvert ; mais elle eft
redoutable dans le cas contraire, fur-tout fi elle n’a pas de fuite ouverte
( page 281 & fuivantes).
Le Corps du Génie eft peu inftruit, incapable de conduire vus
fiége. Les Ruflès ne favent que bombarder une ville.
. Ces vérités m’ont paru pouvoir être utiles à l’Europe , parce
qu’elles détruifent le préjugé où l’on eft fur la Ruifie ; & au-moins
c. eft retrancher une erreur parmi les hommes. Les habitants de Lu-
beek, d Hambourg , trembloient au feul nom des Ruflès. La Pologne
& l’Allemagne que j’ai traverfées , confidéroientla Ruifie
comme une Puiflànce-des plus formidables de l’Europe. Les Ruffes
avoient cette opinion de leur Empire , fur-tout Pierre III, &
dans le moment que j’écris, la France & une grande partie de Paris
la conllderent de même. Etant à Saint Pétersbourg & fur le point
de partir pour la Sibérie , on m’écrivoit de cette Capitale de la
Erance de bien examiner ce pays, dont il fortiroit au premier moment
des peuples entiers , qui comme les, Scythes & lés Huns ,
viendraient s’emparer de notrepetite Europe. J’ai trouvé au lieu de
ces Peuples, des marais & des défera.
Pour déterminer la puiffance de la Ruffie, il ne faut pas la calculer
à raifon de l’étendue de fes Etats , comme la plupart des Auteurs
1 ont fait ; mais en raifon inverfe de cette même étendue : alors