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 geoit point d’autre pain à Tobolsk  tout le temps que j’y fuis refté,  
 excepté  chez  l’Archevêque,  Ce  pain eft fi mauvais  ,  que  ceux qui  
 m’aceompagnoient  ne  fe  décidèrent à en manger ,  qu’après avoir  
 eonfommé  le  bifcuit que j’avois apporté  de  Saint-Pétersbourg, &  
 que je' confervois pour mon  retour, 
 L ’Archevêque  fait  bluter  la  farine ;  il  en  fait  faire  de  petits  
 pains de deux ou trois pouces de diametre. C e  Prélat avoit quelquefois  
 la bonté  de  m’en  envoyer une  douzaine  ;  c’étoit un très grand  
 préfent  :  il en  envoyoit  aufli au Gouverneur les jours  de  gala :  on  
 les découpoit  en  petites  tranches, & on en donnoit une  â chaque  
 convive. 
 O n   ne  connoît  le  vin  à  Tobolsk que  par  tradition :  ceux qui  
 vont  de  Saint-Pétersbourg  ou de Mofcou en Sibérie ,  en  emportent  
 quelquefois un certain nombre  de  bouteilles ; mais en général  
 on s’occupe peu dans ces voyages des moyens de fe procurer du vin,  
 par  la néceffité où l’on eft de fe pourvoir de toute? les autres chofes  
 plus  nécelfaires  à la vie.  Les  boitions dont on fait ufage à Tobolsk  
 font les mêmes que celles  dont j’ai parlé  dans  plufieurs endroits de  
 cet Ouvrage, Le Peuple boit de la quouas, & les autres Habitants de  
 Jabierre, de l’hydromel, & des liqueurs  faites  avec de l’eau-de-vie, 
 L ’eau-de-vie  produit un  revenu çonfidérable au Souverain : on  
 ne la  fait dans toute  la  Ruflie qu’avec du grain. Les Particuliers qui  
 ont cette entreprife vendent à la Couronne le tonneau d’eau-de-vie,( i )  
 trente Roubles, ou cent cinquante livres de France, & la Couronne  
 le revend au Public quatre-vingt- dix Roubles, ou quatre cents cinquante  
 livres  de France,  U  eft  défendu à tous  les  Ruffes,  fous les  
 peines les  plus rigoureufes,  de faire de  l’eau-de-vie.  La  ISobleflea  
 feulement la permiftïon de s’en procurer pour fon ufage, 
 (i) Le tonneau contient quatre cents quatre-vingts bouteilles de France,& l’on m’a aflü-  
 %t que vingt-quatre de ces bouteilles diftilées eu prpduifent deux envirçn d’elprit cje  vio« 
 D U   P R O G R È S   
 D E S   S C I E N C E S   E T   D E S .   A R T S   
 E N   R U S S I E ; 
 D u génie de la Nation, ôC de téducation: 
 E n   1689  Pierre  Ier  gouverne  la  Ruflie  : i l   conçoit  le  projet  
 d eclairer fa Nation  livrée  à  l’ignorance depuis plus de  fept  cents  
 ans.  Il  voyage en Europe  pour  s’inftruire des Sciences,  des Arts ÿ  
 &  de tout ce qui peut concourir à remplir fes vues. Dans  fes voyages  
 , rien ne lui échappe ; il voit les Savants ; il va chercher l’Arcifte  
 dans  fon Attëlier ; il approfondit  l’A r t , juge l’Artifte ,  & l’engage  
 a fon  fervice lorfqu’il eft  fupérieur.  Tous  les  Souverains s’empref-  
 fent  de  féconder  les  vues  de ce  grand Homme :  des Colonies de  
 Savants  &  d’Artilles  de  tous  les genres, partent pour la Ruflie de  
 toutes  les parties de l’Europe. Pierre Ier de retour dans fes Etats, fait  
 elever des  Afyles  confacrés aux Sciences &  aux Arts. Tous  les Éta-  
 bliflèments formés  en Europe dans la fucceffion des temps,  paroif-  
 fent en même-temps  en Ruflie •:  la Noblefle abandonne  lès barbes  
 dégoûtantes  &   fes  anciens habits ;  les femmes, auparavant enfermées  
 dans  leurs maifons,  paroiffent  dans les Aflemblées,  inconnues  
 en  Ruflie  jufqu’à  cette  époque.  Sa  Cour  devient  brillante.  
 Pierre Ier femble  avoir  créé  une  nouvelle  Nation : mais il n’a  fait  
 aucun  changement dans la conilitution du Gouvernement ;  la N ation  
 eft toujours  dans l’efclavage,  &   il en relTerre les liens. Il  force  
 toute  la  Nobleife à fervir  ; perfonne ne  peut  en être  exempt. O n   
 çhoifit dans  le Peuple une troupe  de jeunes Efclaves :  ils font distribués  
 dans  les Académies &   les Ecoles ; on  deftine les uns aux Let-  
 Tomç I ,  D  d