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 31  à  quatre heures du matin,  fur le bord  d une riviere , que nous  
 pailames  dans  un  bac , après deux heures de  travail a faire rompre  
 les glaces de fes bords. Nous prîmes de nouveaux chevaux au Village  
 de Mereck, lîtué fur l’autre bord, &  en partîmes auifi-tôt. Arrivés à  
 Olitta, nous nous difpofions à paifer la Niémen pour la fécondé fois,  
 lorfqu’on nous apprit que le bac avoit été emporté par le courant,  8c  
 qu’il fàlloitalleràKowno par un chemin de traverfe.La route deve-  
 noit cependant très mauvaife, & à peine eûmes-nous fait un mille que  
 nous trouvâmes de nouvelles montagnes gelées  :  les rampes étoient  
 très roides ; on ne  pouvoit alors parvenir à leur fommet qu’en attelant  
 tous  les chevaux à la même voiture :  on en atteloit enfuite une  
 partie  derrière  pour  defcendre. Nous pailames toute la nuit du  3 i  
 Janvier au  premier  Février ,  à voyager  de  cette maniéré,  8c nous  
 arrivâmes  le  même  jour  à  Gniezno, Village  dont  le  Comte  de  
 Pafcy eft Seigneur  :  il étoit alors à Varfovie. N ’ayant point trouve  
 de  chevaux  dans  cet endroit,  nous envoyâmes prier le Fermier du  
 Château  de nous en procurer ; il nous en accorda de très bons, qui  
 nous  conduifirent à Darszoniski  avant midi,  malgré des  chemins  
 affreux.  Nous  reconnûmes  dans  cet  endroit  que  les  Poftillons  
 s’étoient égarés,  en s’écartant de la route de Kowno de plus de deux  
 milles.  Il fallut retourner  fur  nos  pas. Les Habitants  de ce Village  
 nous firent efpérer  que la riviere  de  Niémen,  qui  n’etoit  qu’a un  
 quart de lieue ,  feroit parfaitement gelée. Nous  prîmes  cette  route  
 pour la traverfer fur la glace ; mais arrivés fur les bords de la riviere,  
 il nous  fut  impolfible  de la paffer ;  la glace étoit  trop  foible  : nous  
 fûmes obligés de prendre un  autre chemin. Parvenus  à une montagne  
 proche du Hameau de Podftrava, nous tentâmes envâin  de la  
 monter  depuis  trois  heures  après midi  jufqu’à  fix  heures du foir ;  
 elle étoit cependant très baffe ; mais fa rampe étoit efcarpée,  8c gelée  
 d’un bout à l’autre. Nous retournâmes auHameâu que nous venions 
 d'e quitter ; il n étoit éloigné de cet endroit que d’une portée de fiifil:  
 après y avoir laiffé repofer les chevaux pendant plufieurs heures, nous  
 tentâmes  de  nouveau de paffer cette montagne.  Nous  avions  pris  
 tous  les  Payfans du Hameau,  8c allumé  des torches pour ménager  
 nos flambeaux. Après avoir attelé les dix chevaux à la même voiture,  
 nous parvînmes à moitié de la montagne ; mais il ne fut pas polfible  
 de paffer outre,  quoique les  uns fuffent  occupés à fouetter les chevaux  
 ,  8c les autres à pouffer la voiture. Toutes nos tentatives furent  
 inutiles,  8c  nous retournâmes  au Hameau de Podftrava, ou nous  
 pailames la nuit. Étant obligés de voyager à pied fur toutes ces montagnes  
 gelées,  M.  Favier  avoit fait  plufieurs  chûtes :  les  dernieres  
 furent  très  dangereufes  ;  il avoit  plufieurs contufions,  qui lui fai-  
 foient éprouver de vives douleurs. La maifon où nous logions étoit  
 une  efpece  d’Auberge :  elle  préfentoit  le tableau de  la plus grande  
 mifere ;  un Juif  en  étoit le  poffeffeur ;  il  n’y  avoit  qu’un  lit pour  
 le pere &  la  mere ;  le  relie  de la famille étoit couché  par  terre fur  
 les  haillons  les  plus  dégoûtants.  Ces  gens  n’ont  d’autre  lumière  
 que  des  lames  de bois  allumées  :  ils  les plantent  horifontalement  
 dans le mur.LePayfan fe nourrit de pain pendant l’été dans ces endroits, 
   ainfi que  dans  la Lithuanie ;  mais  il  en  manque  pendant  
 l’hiver  ,  parce  qu’il  vend  la  plus  grande  partie  de fes  bleds :  il fe  
 nourrit  alors de cacha, qui n’eft autre  chofe que de l’orge mondé ,  
 .cuit  dans  de  l’eau  comme  du  ris.  Les  Polonois  aifés  mangent  
 beaucoup  de  cochon,  & de  la chou-croûte {1). Ils  ont  encore  une  
 foupe  qu’ils  appellent  barfe[:  le bouillon  eft  du jus  de betterave,  
 qu’ils  font  aigrir dans un tonneau pendant  plufieurs mois ;  ils mêlent  
 ce  jus  avec de l’eau, de  la crème ,  8c de la viande quand fis en,  
 ont. Ils regardent ce mets  comme très délicat, 
 Les Habitants  de  ce  Hameau  font  fi miférables,  que nous  ne 
 (1)  Ce font des choux qu’on a coupés P &  qu’on a fait aigrir pendant plufieurs mois  
 dans de l’eau. 
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