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 dans fon exil  ;  il publioit que M. de Beftuçhef en  étoit l’auteur,  &  
 que l’Impératrice n’avoit  cédé qu’aux importunités de ce Miniftre. 
 Le  Comte  de  Leftoe,  quoiqu’âgé  de  foixante-quatorze  ans ,  
 avoit encore  toute la  fermeté dont  il  avoit eu befoin  pour placer la  
 Princellè  Elifabeth  fur  le  Trône.  11  racontoit  hautement tout le  
 détail  de  cet  événement &   de fon  exil,  quoiqu’il  n’ignorât point  
 qu’il  deplaifoit fouverainement aux Ruffes,  &  qu’il fe mettoit tous  
 les jours dans le  cas  d’être  exilé  de nouveau.  Ses amis l’en avettif-  
 foient  envain.  Pierre  III  lui  ayant fait l’honneur de l’admettre un  
 jour à  fa  table, Leftoe  lui  parla ainfi  :  V o t r e   M a j e s t é ,  mes  
 ennemis ne  manqueront pas  de me  rendre de mauvais offices ;  mais  
 j ’efpere de V . M . ,  qu elle laiffiera radoter  & mourir tranquillement  
 un vieillard  qui  n’a plus  que  quelques jours  à vivre.  Il  réclamoit  
 tous  les effets qu’on lui avoit enlevés quand  on l’arrêta  :  ils avoient  
 dès-lors été-diftribués à  différents Particuliers,  ainfi que cela fe pratique. 
   Il publioit  qu’il  lés prendrait par-tout oû il  les trouveroit.il  
 demandoit  aulfi qu’on  lui  rendît  compte de fes bijoux, & de l’argent  
 que les Officiers de fa garde  avoient reçu pendant fon exil ( i ). 
 M. le Comte de  Muniç, auffi grand Politique que grand Général  
 ,  tenoi’t une  conduite différente.  Il  ne  fe plaignoit jamais.  Les  
 Ruffes & les Etrangers avoient pour lui la plus grande vénération. 
 Le  Général  Munie  étoit  d’une  grande  taille : il avoit confervé  
 dans fes malheurs, quoiqu’âgé & très maigre, une phyfionomie des  
 plus agréables.  Il captivoit  tous les coeurs par fa  politeffe  &  par  la  
 douceur de  fon caraétere. 
 Muniç avoit une fille lors de  fon exil ;  trop jeune pour être  enveloppée  
 dans  fa difgrace ,  elle étoit reftée  à Saint Pétersbourg. La  
 jeune Munie,  à l’âge de feize ans,  réuniffoit aux vertus, à la don- 
 (i) Je tiens  5e M.  le Comte de Leftoe tout ee que j’ai rapporté fur fon exil, &  le détail  
 de la révolution qui plaça l’Impératrice Eliiàbeth fur le Trône ( page 114),