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 contenoit  ,   fuivant  l’Archevêque  de  Tobolsk,  des  Ornements-  
 d’Eglife.  C e   grand  Saint  Ru ife,  arriva  à Nowogorod  après  un  
 long voyage ,  & fa malle  quelques  jours  après.  Il  fit venir un Pêcheur  
 ,  & fit marché avec  lui  pour  ce  qu’il  prendrait  au  premier  
 coup de filet qu’il  jetterait dans la riviere. Le marché étoit fi avantageux  
 au  Pêcheur , qu’il  fut  auifi-tôt accepté : mais ayant vu  une  
 malle  au-lieu  de  quelques  poilfons  qu’il  attendoit  ; il  prétendit  
 qu’elle lui appartenoit.-Après bien des difcuifions, l’affaire fiit portée  
 au  Tribunal  des  Juges du lieu. Le Saint, pour prouver la bonté de  
 fa  caufe  ,  donna  un  état de fes  effets.  La  vérification  en  ayant été  
 faite  par  l’ouverture  de  la malle, fes effets lui furent rendus. Saint  
 André fe fixa à N owogorod, où il mourut en odeur de fainteté. On  
 y   voit  encore,  fuivant  les  Ruffes,  les  Reliques,  la  meule  &  la  
 malle ,  qui  ne  ceffent de faire des  miracles  depuis ce temps r auffi y  
 va-t-on de  toutes parts en pèlerinage. 
 J’ai vu à Paris  un Archimandrite  qui  me  confirma  finguliére-  
 ment  tous ces faits.  Il aurait plutôt  renoncé à perdre la barbe, que  
 de douter du plus petit  détail. J’en fus étonné , parce qu’il avoit un  
 èfprit cultivé ;  &  il n’érait pas Abbé du Monaftere  où  réfîdent  les  
 Reliques  de  ce  prétendu Saint.  Ces Reliques,  ainfi  que  d’autres  
 femblables dans beaucoup d’Abbayes  ,  y  contribuent  à augmenter  
 les  revenus  des  Moines,  à la honte  de la Religion. 
 Je  demandai  à  l’Archevêque  de  Tobolsk  l'hiftoire  des  Saints  
 Ruffes  :  il  m’en  nomma  très  peu.  Nous  ne  connoiffons pas,  me  
 dit-il,  l’abus d’envoyer à Rome des fommes d’argent pour faire des  
 Saints  : ils font reconnus en Ruffie , quand le Synode  les juge tels  
 &  après  que  l’Impératrice a  approuvé  la  décifion  du  Synode. Je  
 n’avois  jamais l’honneur de voir ce  Prélat  qu’il ne m’entretînt de la  
 Religion,_&  principalement  du  Pape.  Il  trouvoit  fort extraordinaire  
 que Sa Sainteté  communiât dans certaines Cérémonies, affife 
 dans un fauteuil.  Je niai d’abord le fait :  il me cita un Ruffie qui en  
 avoit été témoin au Sacre du dernier Pape. N ’aimant pas  les difpu-  
 tes,  je l’affurai que le Pape étoit ëftropié. 
 M.  l’Archevêque  n’aimoit  pas  plus  l’Aftranomie, que le Pape.’  
 Le mouvement de  la  terre fur-tout,  le mettoit toujours en fureur.  
 R me  cirait  des  Paffages qu’il difoit de l’Apôtre  S. Paul (  1 )  :  je lui  
 propofois des  vérités aftronomiques 3 mais en Aftranomie  ce Prélat  
 étoit un hérétique. 
 Quoique les Prêtres de Ruffie foient par leur ignorance peu propres  
 à faire des  converfions, ils  ont cependant la manie de vouloir  
 convertir  tout  le  monde.  J avois l’honneur de dîner un  jour  chez  
 un  de  ces  Prélats : il  imagina ,  après  avoir  bien bu, de convertir  
 mon Domeftique  ,  Luthérien  de  profeffion. J’en  avois  fait mon  
 Interprète  &  mon  Cuifinier,  fondions  dont  il  s’acquittoit affez  
 mal. Le difcours  de Mgrfut à peine fini, que mon Domeftique  lui  
 répondit fort  en  colere,  qu’un Luthérien valoit bien un  Schifma-  
 tique. Le premier mouvement du Prélat fut de prendre une affiette ,  
 &d’enapoftropher laphyfionomie de l’Hérétique, Je retins Msr,&   
 lui repréfentai que je n’avois point lu dans l’Ecriture,  que les Apôtres  
 abattiffent la mâchoire  de perfonne,  pour le  faire  aller en Paradis. 
  J’envoyai  dîner mon Domeftique :  quelques verres de crema-  
 ram rétablirent le calme dans l’Affemblée, 
 Les  Eglifes  font  très  mal  bâties  à  Tobolsk,  &   dans  route  la  
 Ruffie  : on n’y trouve nulle part de ces beaux Monuments répandus  
 dans le refte de l’Europe. Le,s Temples font au contraire très petits,  
 peu éclairés en général, &   encore plus mal ornés. On y voit beaucoup  
 de Tableaux : mais ils n’ont ni  deifejn  ni coloris 3  ils  font tous 
 -  (.1) On ne trouve nulle part aucun Paflàge de l'Apôtre S, Paul ; oppofe au mouvement  
 d* U Terre autour du Soleil. 
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