R E V O L U T I O N
D E S C A L M O U K S - Z O N C O R E S ;
E N M. D C C. L V 11.
D e leur Religion , & de la Mythologie dune partie
de leurs Idoles.
O n e s t toujours étonné du peu de eonnoiffance que nous avons
des Peuples Tartares qui habitent le midi de la Sibérie, & de l’im-
perfeétion des cartes géographiques de ces contrées. Les RuiTes,
voifins de ces peuples, pourroiènt nous pçocurer ces connoiflànces,
Je fais même qu’ils ont d’excellents matériaux fur ces différents objets
; & il eft bien fingulier , qu’ayant la facilité de s’illuftrer en
éclairant l’humanité , ils aient abandonné cet avantage aux étrangers
que le zele a conduits en divers temps dans ces pays , de
toutes les parties de l’Europe. Il s’y pafTe de grands événements
dont nous n’avons aucune connoiffance ; la révolution des Cal-
mouks Zongores, en eft une preuve frapante. Cette Nation occu-
poit une étendue de pays plus grande que la France ; elle a été détruite
en 17J7 par les Chinois , à la fuite d’une guerre qui a duré
dix ans. Cet événement n’étoit connu durant ce temps & en 176 1,
que du gouvernement de Ruflie ; & en voyageant en Sibérie ,
aufli peu inftruit de cette révolution , que le refte de l’Europe , je
ne l’ai apprife que par des Calmouks qui avoient échappé à la fureur
des Chinois, & par quelques Ruffes qui vivoient en Sibérie.
A mon retour de Tobolsk à Saint Pétersbourg, j’en inftruiiîs
e n S i b é r i e .
les étrangers que j’avois l’honneur de connoître ( 1) ; Se les Ruffes
en publièrent quelque temps après uhe relation dans leur langue
(z).
Ces peuples Calmouks réfugiés en partie dans la Sibérie & fur
le V o lg a , établiront leurs moeurs & leur Religion dans ces contrées
, & peut-être quelques-unes de leurs Idoles enfouies fous la
terre, feront pour la poftérité les feuls indices de cet événement;
indices fouvent obfcurs ! puifqu’une partie de ces idoles tranfpor-
tée à l’Obfervatoire Royal de Paris qui tombe en ruine , peuvent
être enfouies d’un moment à l’autre , & retrouvées de même par la
fuite des temps, fous les débris de ce monument qui a fait jufqu’ici
l’admiration de tous les Curieux de l’Europe. J’ai donc cru qu’il
étoit utile de tranfmettre cette révolution à la poftérité , avec les
connoifTances que j’ai recoeuillies fur la Religion des Calmouks, Se
fur la Mythologie de leurs Idoles. Je ne rapporte que les faits
dont je fuis certain : j’ai fupprimé ceux qui ne m’ont pas paru allez
authentiques pour mériter d’être placés dans cet ouvrage.
Les Calmouks ou Eluths fe divifent en trois branches principales
, les Calmouks-Zongores , les Calmouks-Koskotes, Si les
Calmouks-Torgautes ; c’eft des Calmouks-Zongores que nous
allons parler : cette Nation eft au midi de la Sibérie, elle s’é-
tendoit depuis 90 degrés de longitude , jufqu’à iz o (3), & de
puis le 3 yme degré de latitude , jufqu’au 48“ ' environ, en comprenant
dans cette étendue de pays plufieurs Provinces voiiînes ,
& la petite Boukarie, dont les Calmouks firent la conquête en
1683.
Les Calmouks-Zongores étoient gouvernés par un Kan def-
(1) Le i Novembre 1761. Je communiquai aufli cet événement à mon retour à Paris,
à l’Auteur des Mélanges intéreiTants, qui en a publié un extrait dans cet Ouvrage curieux.
(î) Le 14 Décembre 1761.
( 3 ) Voyez la Carte ( NQ* XXVII. )
O o ij