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ment hors de la voiture, & je faifis les autres chevaux par la bridé.’
Ayant été fecouru aulïitôt, cet événement n’eut point d’autres fuites,
excepté pour le cocher ; une partie de fes camarades s’en emparerent,
fans que je m’en apperçufle, 8c le conduifirent dans le Bois : ils le
couchèrent par terre fur le ventre, & le bâtonnoient avec une telle
fureur, qu’ils l’auroient fait expirer fous les coups, f i , averti par des
cris redoublés, je n’euifecouru le délivrer. Je lui fis donner un verre
d’eau-de-vie , 8c un moment après il étoit aufli gai qu’avant fa cor-
reétion. Il remonta fur le fiége, chantant une petite chanfon, 8c
ne penfant plus à ce qui lui étoit arrivé : auiïi malgré cette correction
, & la défenfe que je lui avois faite d’aller vite dans les defcen-
tes, il étoit toujours tenté de defcendre les montagnes au galop;
& je fus obligé, pour l’en empêcher, de prendre un bâton dans
ma voiture ; 8c à chaque defçente je l’appuyois fur fes épaules pour
l ’avertir d’aller doucement.
J’arrivai enfin à Birna ; ce Village eft habité par des Tartares.
Plufieurs étoient venus au-devant de moi à un werft de leur Village,
ils me témoighoient par des lignes les plus grandes marques d’ami- -
tié. La candeur & la paix qui régnoient fur leur phyfionomie an-
nençoient qu’elles étoient fînceres : aufli je les fui vis fans aucune
inquiétude. Us fe placèrent à la tête de ma voiture, & me conduifirent
à la maifon du C h e f de leur Villagè , qui y jouifloit de la
plus parfaite confidération : fon mérite & fes vertus lui avoient acquis
le droit de les commander, fans qu’il y eût eu aucune élection.
Us m’avoient fait préparer une efpece de dîner qui confiftoit dans
du miel, du beurre 8c quelques légumes. Leurs maifons font aufli
propres que celles des Sibériens le font peu. Au refte, ils vivent à-,
peu-près de la même façon, excepté qu’ils font Mahometans.
Leurs habillements ont quelque rapport avec ceux des Ruflès,'
( Tome / , N°. X V 8c X X V I , ) Les Tartares ont une tunique de
laine fur laquelle ils mettent leur ceinture ; & ils portent par-defl"us
la tunique, une.ample & longue robe qui flotte au gré des vents.
Ils font toujours en bottes. Leur tête eft rafée, excepté une partie
de derrière qu’ils couvrent avec une calotte de cuir. Ils portent un
bonnet dont le contour eft de peau. Cet habillement leur fied pari
fattement. Ils font d’ailleurs grands, robuftes & bien taillés. Leur
phyfionomie, quoique douce, annonce un peuple guerrier & indépendant
; aufli conferve-t-il fes anciens privilèges. Il fournit à la
Ruflie, en temps de guerre, un certain nombre de troupes qu’elle
foudoie.
L ’habillement des femmes Tartares différé peu de celui des hommes
: il eft plus court, & la ceinture eft par-defliis la robe. Leur
coeflure eft un bonnet, fouvent fait en pain de fucre ; il eft couvert
de copecks & de grains de verre, ainfi qu’une grande piece de drap
qui eft attachée au bonnet, 8c qui leur defcend jufqu’au derrière.
Elles portent des bottes; 8c fans leur coeffure, on les prendroitpour
des hommes, au premier coup d’oeuil. Elles partagent la plupart des
travaux de leurs maris : ceux - ci les traitent avec douceur : une
parfaite égalité regne entre eux. Les femmes me parurent jouir de
la plus grande liberté : les filles, au contraire, font fort retirées ; 8c
j’ai fu que, malgré les précautions des peres & des meres, elles fe
procuroient des moments de liberté dont elles profitoient. En Sibérie
, les femmes font, au contraire, enfermées ; les filles jouiflènc
d une plus grande liberté, & on a vu qu’elles en profitoient aufli.
Dans tous ces pays, on eft fort embarralfé avec les filles.
L habillement des Ruflès différé de celui des Tartares, en ce que
les premiers n ont qu’une efpece de gillet au-lieu de tunique, & que
fouvent ils laiflènt pendre leur chemife, fans la renfermer dans leurs
culottes. Us portent par-deflus une efpece de jaquette avec une ceinture.
Ils n ont point de bottes, mais ils s’enveloppent la jambe avec
du drap, 8c 1 entortillent par le bas avec une corde. Leurs fouliers