
 
        
         
		J34  V o y a g e 
 ment hors  de  la voiture,  &  je  faifis  les  autres chevaux par la bridé.’  
 Ayant été fecouru aulïitôt,  cet événement n’eut point d’autres fuites,  
 excepté pour le cocher ; une partie de fes camarades s’en emparerent,  
 fans que je m’en apperçufle,  8c  le  conduifirent dans le Bois  :  ils  le  
 couchèrent par terre  fur le ventre,  & le bâtonnoient avec une  telle  
 fureur, qu’ils l’auroient fait expirer fous les coups,  f i , averti par des  
 cris redoublés, je n’euifecouru le délivrer. Je lui fis donner un verre  
 d’eau-de-vie , 8c un moment après il  étoit aufli gai qu’avant  fa cor-  
 reétion.  Il remonta fur  le  fiége, chantant  une petite  chanfon,  8c  
 ne penfant  plus  à ce qui lui étoit arrivé  :  auiïi malgré cette correction  
 , & la défenfe que je lui  avois faite d’aller vite  dans les defcen-  
 tes, il étoit toujours  tenté  de defcendre  les montagnes  au  galop;  
 &   je  fus obligé,  pour l’en  empêcher,  de prendre  un  bâton  dans  
 ma voiture ; 8c à chaque defçente je  l’appuyois fur  fes épaules  pour  
 l ’avertir d’aller doucement. 
 J’arrivai enfin  à  Birna  ; ce Village  eft  habité par  des  Tartares.  
 Plufieurs étoient venus au-devant de moi à un werft de leur Village,  
 ils me témoighoient par des  lignes les plus grandes  marques  d’ami- -  
 tié.  La candeur & la paix  qui  régnoient  fur leur phyfionomie an-  
 nençoient qu’elles étoient fînceres :  aufli  je  les  fui vis  fans  aucune  
 inquiétude.  Us fe placèrent à la  tête de ma voiture,  &  me  conduifirent  
 à la maifon du  C h e f de  leur Villagè ,  qui  y jouifloit  de  la  
 plus  parfaite confidération  :  fon mérite & fes vertus lui  avoient acquis  
 le droit de  les commander,  fans qu’il y  eût eu aucune élection.  
 Us m’avoient  fait  préparer une efpece de  dîner qui  confiftoit dans  
 du miel, du beurre 8c  quelques  légumes. Leurs maifons  font  aufli  
 propres que celles des Sibériens le font  peu. Au refte, ils vivent  à-,  
 peu-près de la même façon, excepté qu’ils font Mahometans. 
 Leurs habillements ont  quelque  rapport  avec  ceux  des Ruflès,' 
 (  Tome / ,  N°. X V   8c X X V I ,  )  Les Tartares  ont  une  tunique  de 
 laine fur laquelle ils mettent leur ceinture ;  &  ils portent par-defl"us  
 la tunique,  une.ample  &  longue robe qui flotte  au  gré  des  vents.  
 Ils font toujours  en  bottes.  Leur tête eft  rafée,  excepté une partie  
 de derrière  qu’ils couvrent avec  une calotte  de cuir.  Ils portent un  
 bonnet dont le contour  eft de  peau.  Cet habillement leur fied pari  
 fattement.  Ils font d’ailleurs  grands,  robuftes &   bien taillés.  Leur  
 phyfionomie,  quoique douce,  annonce un peuple  guerrier  &   indépendant  
 ;  aufli conferve-t-il fes anciens privilèges.  Il fournit à la  
 Ruflie, en temps  de guerre,  un  certain nombre  de  troupes  qu’elle  
 foudoie. 
 L ’habillement des femmes Tartares différé  peu de celui des hommes  
 :  il  eft plus court,  &   la ceinture  eft  par-defliis la robe.  Leur  
 coeflure eft un bonnet,  fouvent fait en pain  de fucre ;  il eft couvert  
 de copecks &  de grains de verre, ainfi qu’une grande piece de drap  
 qui  eft attachée  au  bonnet,  8c  qui  leur defcend jufqu’au  derrière.  
 Elles portent des bottes; 8c fans leur coeffure, on les prendroitpour  
 des hommes, au premier coup d’oeuil. Elles partagent la plupart des  
 travaux  de  leurs maris  :  ceux -  ci  les  traitent  avec  douceur  : une  
 parfaite égalité  regne  entre  eux.  Les femmes me parurent jouir de  
 la plus grande liberté :  les filles, au contraire,  font fort retirées ;  8c  
 j’ai  fu  que,  malgré  les précautions des peres &  des meres,  elles fe  
 procuroient  des moments  de liberté  dont  elles profitoient.  En  Sibérie  
 ,  les femmes font,  au  contraire, enfermées ;  les filles jouiflènc  
 d une plus grande liberté,  &   on a vu qu’elles  en profitoient  aufli.  
 Dans tous  ces  pays,  on eft  fort  embarralfé avec les filles. 
 L  habillement des Ruflès différé de celui des Tartares,  en ce que  
 les premiers n ont qu’une efpece de gillet au-lieu de tunique, & que  
 fouvent ils laiflènt pendre leur chemife,  fans la renfermer dans leurs  
 culottes.  Us portent par-deflus une efpece de jaquette avec une ceinture. 
   Ils  n ont point de bottes, mais ils s’enveloppent la jambe avec  
 du drap,  8c  1 entortillent  par le bas avec une  corde.  Leurs fouliers