Strabon, vers Tan 3o de notre ère, dit que
Cherson était encore à cette époque sous la domination
des rois du Bosphore. M. Boeckh
attaque cette assertion positive du grand géographe,
et suppose que déjà, alors, Cherson avait
obtenu des Romains la liberté (1).
Dès-lors, une rivalité jalouse ne cessa de
fomenter des guerres entre les deux villes. J’ai
raconté l’expédition de Sauromates V, dans
l’Asie-Mineure, en 282 de J. C. environ , et la
prise de Panticapée par les Chersonésiens, qui
en fut la suite (2).
Puis j ’ai mentionné le combat que Sauromates
V I , petit-fils de Sauromates V, livra au
commencement du quatrième siècle aux Chersonésiens
à Capha, sur les ruines deTheudosie,
qui devint la frontière du territoire des deux
villes. Il s’ensuivit une seconde guerre, où
Pharnace, stéphanophore (3) et commandant
des Chersonésiens, tua Sauromates VI dans un
combat singulier, et força les Chersonésiens à
transporter leur frontière au rempart à'Akkos
ou des Kimmériens (4).
(1) Corpus Înscripl., t. II, p. 89 et suiv.
(2) Mon Voyage, t. II, p. 78.
(3) Porte-couronne, c’est ainsi qu’on désignait à Cherson
la première fonction de la magistrature.
(4) Mon Voyage, t. V, p. 24t et 267.
Ces victoires des Chersonésiens devaient accroître
naturellement contre eux la haine antique
des Bosporiens, toujours plus disposés à leur
faire tout le mal possible. Assandre, qui commença
à régner en 334 ou 336 de J. C. et qui
fut, hélas! le dernier roi du Bosphore, crut
avoir trouvé un moyen de s’immiscer dans les
affaires de ses ennemis, en demandant en mariage,
pour l’un de ses fils, la fille unique de
Lamachus, stéphanophore de Cherson, le plus
puissant de la ville, que la renommée disait très-
riche en or, en argent, en esclaves, en servantes,
en chevaux (1), en fonds de terre, et qui possédait
une maison avec quatre cours. Elle occupait
en long et en large tout le coin de la
ville qui touche au port extérieur des Soses, où
Lamachus avait une porte particulière, percée
dans les murs de la ville, la seule qui soit restée
debout.
Quatre portails superbes fermaient lès abords
de la maison, et chaque troupeau de boeufs et
de vaches, de chevaux et de juments, de brebis
et d’ânes revenant des pâturages, avait son entrée
et son écurie particulière.
L’aîné des fils d’Assandre épousa en effet
(1) Je répète ces détails donnés par Constantin Por-
phyrogénète ; ils jettent un jour intéressant sur les moeurs
et l’industrie des Chersonésiens.