de figuiers, de noyers, de frênes, detérébinthes.
Autour du village et au-dessus paraissent encore
le schiste et le grès ; le chêne rabougri et le
charme recouvrent ce sol ; mais dès qu’on arrive
dans la région du calcaire, dont la limite est à
1000 pieds de hauteur environ, paraît tout à
coup le pin taurique, qui devient ici très-grand;
il est d’une belle venue. Il recouvre toute la
première assise, jusqu’à ce qu’on parvienne par
un sentier en zig-zag de 700 pieds de haut, à une
seconde assise, ou le hêtre et le charme prennent
presqu’entièrement le dessus. La troisième assise
qui forme le crêt de la montagne, présente un
roc nu que l’on franchit en biaisant, pour atteindre
les gazons de la Yaïla.
Jusqu’à la corniche, rien n’avait masqué le
paysage, et ma vue se promenait sur la vallée de
Yalta avec un plaisir mêlé de respect, en contemplant
à vue d’aigle ce grand tableau et la mer
qui grandissait majestueusement à mesure que
je m’élevais. Des ruisseaux tombant en cascade,
et tantôt les hetres, tantôt les pins, formaient
des premiers plans dignes de Claude Lorrain.
Une gorge s’ouvre dans cette corniche dont les
couches sont peu renversées. Ici tout change;
j ’entrefpar cette gorge sur le plateau de la Yaïla,
et aux rayons chauds du soleil, succèdent un air
froid qui me pénètre, et un brouillard épais et
glacial qui m’entoure. Cette transition est habituelle,
et pour ne pas se perdre sur le plateau
de la Yaïla, triste et nu, on a élevé de 20 pas en
20 pas des tas de pierres qui marquent le chemin
, jusqu’à l’endroit où l’on retrouve les bois
sur le versant septentrional. La nuit nous y
atteignit et malheur à celui qui fait à ces heures
un pareil trajet par le chemin le plus infernal
de la Crimée : l’instinct seul de son cheval
peut le sauver.
Mais revenons sur la côte et descendons à
Yalta. Auparavant, que j ’avertisse les visiteurs
de ce beau pays, qu’il existe d’Aï-Daniel à Yalta,
outre la grand’route que j ’ai suivie, une autre
route de traverse qui n’est pas moins pittoresque
que la première ! En partant du bas des vignobles
du comte Vorontsof, l’on s’élève sur
l’extrémité du promontoire de Nikita, recouverte
de bois parmi lesquels j’ai admiré de superbes
genevriers de l’orient. I c i, le botaniste
pourra cueillir en quantité du gui (Viscum oxy-
cedri ) sur ie genevrier cade (Juniperus oxyce-
drus). Ce bois est rempli de traces d’anciens
établissements ; 011 y reconnaît même l’ensemble
d’un village. Non loin de là sont les ruines
d’une fortification et une grotte : la première,
selon M. de Koeppen, s’appelle Rouskophile-
Kcilé; la seconde, K alé-Koba (1).
(4) P. -de Koeppen, Krimskii-Sbornik, p. 177.