Une pareille campagne aurait été mon ambition.
Plus loin, s’élevant un peu, l’on atteint A'ian
ou Sououksou (eau fraîche), domaine voisin,
dont une belle source fait la richesse ; mais c’est
à tort qu’on l’appelle eau fraîche, car sa température
ne descend pas au-dessous de i l 0 fO Une
source que j ’ai observée près de la maison de
M. Poniatovski, était au même degré. Elles jaillissent
toutes deux dans un schiste chargé de débris
calcaires ; mais à peine a-t-on passé Sououksou,
que le spectacle qui s’est oifert à Karabagh
et à Bïouk-Lambat, recommence sur une échelle
plus grande encore.... Une montagne fracassée
a semé le sol de ses débris et jusqu’au-delà
d’Oursouf, l’on marche au milieu d’un chaos.
Ici, je ne puis m’empêcher d’anticiper sur ma
narration et de prier mes lecteurs de se placer
avec moi sur la pointe du Petit Aï-Daniel, d’où
ils jouiront mieux que partout ailleurs de l’ensemble
de ce grandiose assemblage de révolutions
géologiques (1). La planche XXII de la série
géologique a été coloriée dans ce but; l’on verra
en faee le dôme granitique de l’Aïoudagh, sortant
des flots : de longues fissures déchirent ses
flancs escarpés, comme le Petit Kastèle, et ses
débris ont été semés par suite des éboulements
(1) Atlas, IIe série, pl. 5i , et Ve série, pl. 22.
sur la partie la plus voisine de la large ceinture
de schiste noir qui l’environne.
Au-dessus du schiste, on suit le grès du lias
et les poudingues rouges, dont l’inclinaison des
couches approche de celle que des circonstances
favorables rendent plus visible dans la chaîne
calcaire où leur allure rappelle le crêtè, couches
redressées d’un grand cratère d’éruption et de
soulèvement. Mais ce qui frappe dans ce grand
tableau, sans étonner cependant, ce sont ces
grandes ruines de calcaire qui sont semées ou
entassées sur le schiste. On reconnait fort bien
ici les ruines d’un monde qui s’est écroulé, et
les restes de la montagne qui a été crevée et
soulevée comme nous la voyons. L ’on voit une
pyramide dominer cet éboulement à côté du
bloc arrondi de Ghêlinkaïa : plus bas l’on disdingue
le massif isolé qui porte les ruines pittoresques
du château d’Oursouf; plus loin, vers
l’Aïoudagh sont de Vrais chaos de gros fragments
entassés; cà et là , existent des massifs qu’à
leur grandeur , à leur hauteur de plusieurs
centaines de pieds, à la régularité de leurs couches
renversées, l’on prendrait pour la roche
sur place , si ces rochers erratiques n’étaient
noyés, au milieu d’un chaos, comme au milieu
d’un moraine (1). Le plus grand de ces rochers
( i ) La roche calcaire, brisée souvent en petits fragments