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mon suredji (guide) tatare, qui ne comprend
rien à mes coups de marteau et à mes questions
sur les noms des ruisseaux et des rochers que
nous rencontrons sur notre route. Elle est pénible
peut-être, mais si pittoresque et si variée
pour mes études favorites, que j ’en oublie la
fatigue. Ainsi nous gravissons avec peine le pic
de Ramata, qui est au-delà de Koutchouk-
Lambat. Nos chevaux viennent de baigner leurs
pieds dans la mer, et maintenant nous escaladons
les flancs noirs et sans végétation de la
montagne qui plonge tout d’une pièce dans la
mer; je l’ai étudiée en montant et j ’ai retrouvé
ici les lits d’ophitone en boules du Kastèle et
de l’Aïtkodor. Mais arrivé au sommet j ’oublie
l’ophitone et ma route; je suis arrêté tout-à-coup
malgré moi par l’un des plus beaux paysages
de la Crimée. Enfin, voilà VA'ioudagh} son
dôme arrondi semble couché sur les flots brillants
, sur lesquels il forme un long promontoire.
C’est bien le Krioumétôpon ; car il ne faut pas
un grand effort d’imagination pour reconnaître
de loin un front de bélier, dont le contour des
cornes s’arrondirait derrière la tête. Je comprends
aussi qu’on puisse prendre cette forme
pour un ours couché, endormi.
Une vallée profonde et noire me sépare du
front du bélier ; c’est celle de Parthènith aussi
aptique que la divinité taure. Nous descendons
par des degrés pratiqués dans les rochers, jusqu’au
village semé par petits groupes de maisons
au fond et sur les flancs de la vallée. A voir ces
maisons grossièrement maçonnées et ces toits en
terre, je me fais illusion et je me crois encore
au temps des Taures. Une plage sablonneuse et
commodepermettait aux navigateurs homériques
de tirer leurs vaisseaux sur le rivage. Deux ruisseaux
arrosent le fond de la vallée. Les habitants
de Parthènith, fort à leur aise, y cultivent leurs
vergers; la facilité des irrigations leur permet
de semer du lin et du tabac ; on vante ce dernier
qui est préférable à tous ceux de la côte.
Encore aujourd’hui les Parthéniens ont des barques
qu’ils utilisent en faisant des transports de
provisions le long de la côte. Le Front du bélier
défend leur baie contre les vents d’ouest. En
escaladant la montagne par un sentier rapide,
après une heure de marche, on arrive au sommet
où l’on trouve les ruines d'un vieux château,
dont les murs sont composés de grandes pierres
brutes qui sont posées à sec, sans ciment. L ’ensemble
des fortifications forme un grand demi-
cercle, dont le mur qui en est la corde a 728
pieds de longueur; leur épaisseur n’est pas de
moins de 4 pieds et demi, et la hauteur où la muraille
est encore visible ne dépasse pas une toise.
Le côté du mur semi-circulaire, dont le pied
était abordable à l’extérieur, était défendu inté