peine se croit-on en Crimée en face de cette
muraille de rocher de 5o à 100 pieds de hauteur,
qu’on appelle le Chaïtan-kaïa et qui barre le
passage. Le pied de la roche est masqué à une
grande profondeur par des débris de la montagne,
qui se sont entassés sur les grès. Ces blocs
à angles aigus, de 10 à 20 pieds d’épaisseur, forment
un chaos inabordable, à travers lequel il
n’y a que des chamois qui puissent se hasarder.
Le pin dont la tête est souvent élargie, quand elle
n’est pas brisée, s’est implanté sur les blocs ou
est allé chercher sa nourriture dans la profondeur
des intervalles. Il s’applique aussi sur la
surface à pic du grand rocher, faisant pousser ses
racines dans les joints des couches, et c’est par
cette échelle naturelle que l’on peut juger de
la puissance des assises du calcaire, puisqu’un
pin ne faisait que le quart de leur hauteur.
Cette témérité de végétation est d’un charmant
eifet.
La plupart des blocs détachés se sont accumulés
dans une espèce de gorge ou de ravin qui
a mis à nu la base du rocher à une plus grande
profondeur. Par ce couloir ils ont roulé plus
bas, jusque sur le schiste inférieur qu’ils recouvrent
à ne plus le reconnaître.
De la lisière du chaos s’échappe avec grande
abondance parmi les schistes supérieurs au grès,
une source de 5a,5 de R., température trèsbasse
que je n’ai remarquée à aucune source en
Crimée. Je ne puis me l’expliquer qu’en supposant
qu’il existe, dans les profondeurs de ce
chaos, des amas de neige et de glace que la
température extérieure ne peut atteindre et ne
peut fondre qu’avec peine dans le courant d’un
long été; car j ’observais la source le ~ septembre
i 832.
Le Chaïtan-kaïa n’est qu’un premier escarpement
des assises jurassiques ; il s’en présente
encore plusieurs jusqu’au faîte du crêt géologique
: là, des archéologues mieux instruits que je
ne l’ai été, iront voir au rocher de Gramata,
une inscription écrite en lettres peintes en rouge,
étrangères à la langue tatare (1). Près de
là , selon le dire des habi tants de Nikita et d’Our-
souf, il existe une fortification à laquelle ils
donnent le nom de Kalé ; elle est en terre et
non en pierres (2).
A la hauteur du Chaïtan-kaïa, au-devant du
chaos, je trouvai le chemin qui, dé Nikita, mène
directement à Gramata et aux autres cols de la
Yaïla. Je redescendis par ce chemin, jouissant
de là haut d’une des plus jolies vues de la côte.
Le chemin me mena le long du bord d’un précipice
où je ne vis que du grès entassé , celui qui
(1) P- de Koeppen, Krimskii-Sbornik, p. 174.
(a) Id. p. 175.