contrefort, je fus obligé de prendre une autre
route (1). C’est une des jolies promenades que
j’ai faites en Crimée ; je l’ai renouvelée plusieurs
fois, et je la conseille, à ceux qui ont de bonnes
jambes s’entend, et qui veulent connaître la
côte de Crimée sous un jour tout nouveau. Le
but de cette excursion est le ChaitanTcdia (la
Roche du Diable).
En prenant le Petit Aï-Daniel-Jaekson pour
point de départ, je profitai de l’ombrage des
frênes et des charmes chargés de vigne sauvage,
dont les branches pendantes semblent la chevelure
verte et échevelée d’une naïade ou d’une
nymphe qui se repose près des grands noyers
qu’arrosent plusieurs filets d’un ruisseau caché
dans la verdure. Les azeroliers et les cormiers
aux fruits oranges et rouges, le sorbier domestique
élégamment découpé, aux grosses grappes
de fruits vermeils, le pommier montrant autant
(1) Entre le Grand Aï-Daniel et le Petit Ai-Daniel Jackson
se trouve Y A Ï-Daniel Berckheim, l’un des meilleurs vignobles
de la côte : il contient 60 mille ceps, Pineaufleuri,
Bourgogne et Rissling. Le Grand Aï-Daniel du comte
Vorontsof renferme 72 mille ceps. Les meilleures espèces
de vins qu’il produise sont le Bourgogne, le Bordeaux ,
qui approche assez de l’original, l’Aleatico, etc. Màis tous
les vins d’Aï-Daniel, même ceux du baron Berckheim,
prennent un goût de vin d’Espagne qui deviendra toujours.
plus fort.
de pommes que de feuilles, le fusain, le sumac,
l’épine-vinette, le lierre se mêlent à la végétation
des hauts arbres.
La pente d’abord douce devient de plus en
plus rapide, et où le grès remplace la formation
inférieure du schiste , elle est très-pénible. Jusque
là le charme mêlé au poirier torminal forme
un bois touffu coupé de plantations de tabac ;
ic i, à la limite du grès , s’échappe sur le schiste
une belle source que j ’ai observée le 7 septembre
183a. Elle marquait 90 à 11 heures du matin :
le 10 août i 834, à la même heure, elle ne marquait
que 8°.
Avec les dernières couches de schiste et de
grès, le charme disparaît tout à coup, et il est
remplacé par le pin maritime (1), dont les larges
abattis dégagent le paysage le plus sauvage. A
(1) Pallas donne ce nom au pin à tête élargie de la
côte de Crimée ; mais M. de Stéven le regai'de comme
constituant une espèce particulière sous le nom de pin
taurique, le même, vraisemblablement, que j ’ai vu à Ghé-
lindjik et à Pitsounda : la petite différence que l’on pourrait
remarquer dans les écailles acuminées des cônes
des exemplaires venant de des dernièresriocalités n’est pas
constante dans tous les échantillons. Le pin taurique est
paiticulier a la cote de Crimée; il la borde sur plusieurs
points, tandis que le pin sylvestre, qui se trouve sur le
revers septentrional de la chaîne et qui s’avance sur les
yaïla , ne paraît sur le versant méridional qu’au-dessus
de Nikita et d’Oursouf.
VI. 4