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seul dans les bois, où le prêtre le fait saisir et
lier avec des chaînes sacrées; on le nourrit
somptueusement pendant une année, après quoi
on le produit aux sacrifices de la déesse pour
être immolé avec les autres victimes. Voici
comment on procède à ce sacrifice. Quelqu’un
qui est expérimenté dans cet art* tenant la
hache dont il est d’usage de se servir pour sacrifier
un homme, et sortant de la foule, la lui
enfonce dans le coeur par le côté; quand la
victime tombe, ils en tirent certains signes de
divination qu’ils expliquent en face du public :
puis, transportant le corps dans un lieu désigné,
chacun passe par-dessus en manière d’expiation.
»
L’analogie est encore plus grande entre les
Tau res et les Tchouds-Finnois des rives de la
Baltique, ces fameux pirates qui, sous les noms
de Koures, de Lives et d’Esthes, infestèrent les
rives de la Baltique de leurs brigandages, jus-
qu’aux onzième et douzième siècles de notre
ère. Il existait, parmi ces finnois, une loi qui
ordonnait de brûler quiconque n’était pas de
leur croyance ; tout étranger dont ils pouvaient
s’emparer, tout prisonnier de guerre était sacrifié
à leurs divinités : « Chacun fuit cette nation
la plus cruelle, à cause de la trop grande cruauté
de son culte, dit Adam de Brème. » Quand
leur bonne fortune ne leur procurait pas des
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victimes humaines, ils en achetaient pour les
martyriser de la manière la plus barbare et jeter
les lambeaux de leurs corps déchirés aux oiseaux
de proie. Ils leur arrachaient quelquefois le coeur
pour le griller et pour le manger; d’autrefois ils
les rôtissaient lentement sur des charbons (î).
Ce fait de la ressemblance des Tchouds-Finnois
avec les anciens Taures, vient encore fort à
propos à l’appui de ce que j’ai avancé de la dislocation,
qui a eu lieu très-anciennement, des
races finnoises par les races indo-germaniques
qui ont fait coin entre les Finnois du nord et ceux
qui se sont-réfugiés dans les vallées du Caucase et
de la Tauride (2).
Mais comment se fait-il que la divinité vierge
des Taures ressemble tant à la Diane Orthia, l’une
des divinités primitives des Grecs? Cela vient
de ce que la nation grecque était aussi entée sur
-un lambeau finnois, antérieur à l’arrivée des races
indo-germaniques dans la Grèce. Les fables des
(1) Joh. Ludw. Borger, Versuch über die Allerthümer
'Lîïflands-, Riga, 1798, p. 91. De Bray, Histoire de la Livonie,
t. I, p. 36.
(2) Voy. plus haut, t. IV, p. 35g, note a. Voyez encore
1.1 , p. 148 et 149, un fait qui prouve que cette dislocation
a porté non-seulement sur des races tchouds-finnoises,
mais aussi sur des races indo-germaniques, qui ont été repoussées
vers le nord avec les Finnois par de nombreux
arrivants.