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vers la mer, le mont Ilia. Une aussi belle vallée
a dû être fort peuplée ; les ruines de sept villages,
que M. Compère a trouvées successivement, le
prouvent. J’ai visité toutes ces positions ; aucune
n’offre des restes remarquables ; ce sont des
débris de murailles grossières, des briques, de la
poterie brisée ; dans quelques-unes , il ne se
trouve rien qui rappelle une chapelle. M, Compère
ne se souvenait pas avoir trouvé de monnaies
parmi ces débris**, il est vrai qu’il n’avait
pas fait de fouilles particulières. Le seul de
ces anciens villages qui mérite une mention
particulière, après ce que j’ai dit de l’ancien
Laspi, est celui qui, s’étendait autour du port de
la vallée» Son cimetière renferme plusieurs tombes
en forme de cercueil et en pierre d’Inkerman.
Celle que j ’ai dessinée fig. 8 , pl. 27,
IVe série, est remarquable par une inscription
gravée, ce qui est rare en Crimée : je ne saurais
en donner l’explication.
Pendant un séjour de deux semaines que j ’ai
fait en février i 833., chez l’obligeant M. Compère
, je fis nombre d’excursions avec cet ami
aussi instruit que complaisant ; j’en fis aussi souvent
seul, et je puis dire que ces quinze jours
passèrent comme un songe, au milieu des aimables
soins qui m’étaient prodigués et de la masse
d’objets intéressants pour la géologie et l’archéologie,
qu’une main prodigue a accumulés autour
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de Laspi. Une de mes premières courses fut de
visiter le port de Laspi et le mont Ilia. Il ne
gelait pas du tout, les crocus jaunes fleurissaient,
et à l’exception de deux jours de pluie, le temps
fut constamment beau» Je vis souvent le singulier
phénomène de la résorption des brouillards
qui, remplissant la Vallée de Baïdar pendant que
nous avions le soleil, étaient Contenus dans ce
haut bassin par les rochers qui enèéignent la
vallée, à peu près comme les rivages d’un lac en
contiennent les ondes. Il ne se trouvait que la dépression
de Kaïtou qui leur offrît une écluse pouf
se précipiter dans la vallée inférieure, et je voyais,
à travers les bogazes des rochers, les brouillards
pressés s’échapper de leur prison et s’élancer
comme une épaisse fumée blanche ou comme
l’onde floconneuse d’une cascade qui cherche
à atteindre le fond d’un abîme. Mais à peine
s’étaierit-ils élancés que l’air chaud de Laspi les
résorbait et laissait leur chute suspendue. Ainsi
s’établissait pendant toute la journée, cette lutte
pittoresque, et rarement les brouillards parvenaient
à envahir quelque partie de la vallée (1).
Le chemin qui mène au port de Laspi serpente
au milieu des plus beaux genévriers de
(1) La différence qui existe entre le bord de la mer à
Laspi et la vallée de Baïdar, est précisément celle qui
existe entre le bord du lac de Neuchâlel et le val de Ruz.