que sa profondeur va en diminuant de 90 à
6 toises, aux f de sa longueur entière qui est de
1 verst et 3oo toises : plus loin le fond devient
vaseux.
Cette baie est un phénomène curieux en géologie,
profondément encaissée qu’elle est a son
entrée dans des rochers de calcaire-marbre et
de poudingue, et venant mourir sur le schiste
noir en s’ouvrant dans un bassin de craie.
En quelqu’endroit qu’Ulysse ait7 abordé, &
droite ou à gauche du port de Balaklava, d’affreux
rochers bordent la rive; endes escaladant,
il ne pouvait voir comme aujourd’hui qu’un sol
aride, que des roches jurassiques dont les tristes
fragments semés de genevriers noirs ne laissaient
voir ni la trace de l’homme, ni celle du
boeuf, ni celle de son labeur. Des tourbillons dé
fumée pouvaient seuls lui indiquer la ville des
Lestrigons, cachée par les rochers.
Le héraut et les deux compagnons qu’Ulysse
envoie, qu’ils prissent à-droite ou à gauche, devaient
déboucher dans la large vallée crayeuse
de Balaklava ou ils trouvaient là grande route
par laquelle on exportait, comme on le fait encore
aujourd’hui, les dépouilles des forêts qui
recouvrent les montagnes voisipes , tandis que
Balaklava et ses alentours* sont nus. En suivant
cette route., ils arrivent à la tête du port, ou est
encore actuellement la seule source d’eau de
Balaklava, la fontaine de la nymphe Artacie,
ouverte à tous les citoyens. La jeune fille d’An-
tiphate, roi des Lestrigons, leur montre les
portes élevées d’un palais qui touchait le ciel,
bâti sans doute où sont une partie des ruines de
la forteresse de Balaklava. C’est celui de son
père; il a été construit par Lamus, ancien roi
des Lestrigons.
Le farouche Antiphate, fidèle au portrait qu’on
faisait des Taures, saisit l’un des envoyés pour
le dévorer; les deux autres s’enfuient. D’ailleurs
l’alarme est dans la ville des Lestrigons :
ils ont vu entrer la flotte d’Ulysse, et ils accoutrent
de toutes parts en foule innombrable :
« Ils ne sont point semblables, continue Ulysse,
à la race ordinaire des hommes; le rivage est
bordé d’un peuple de géants. Ils font pleuvoir
sur nous les sommets accablants des rochers.
Un tumulte horrible s’élève de notre flotte dans
les airs, formé des cris lugubres de nos guerriers
écrasés, et du fracas de nos vaisseaux sautant
en mille éclats; d’autres de mes compagnons
sont transpercés des longues lances de l’ennemi,
et enlevés, comme des habitants des eaux arrachés
à leur élément, pour lui servir.,de pâture.
« Pendant que le carnage et le trépas régnaient
dans la profonde enceinte du port, mon
épée coupe le câble, lien de mon navire, et
j ’exhorte la troupe des miens à se courber de
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