plupart leurs marchandises les jambes croisées,
et fumant leur pipe avec tout le flegme oriental.
L ’on ne voit pas une figure rire , partout le sérieux
est le caractère du peuple talare qui a
conservé le privilège d’habiter exclusivement
Baktchisaraï. Cette ville leur a été réservée lors
de la conquête de la Crimée, ainsi que Karasou-
bazar.
Dans mes séjours, je suis entré souvent dans
les cuisines latares où l’on traite les passants à
-leur fantaisie, de têtes de mouton, de mouton
bouilli, de mouton rôti par petits morceaux enfilés
à une brochette, et qu’on appelle tchislilc$
quand j ’avais couru pendant tout le jour par des
froids rigoureux et sans neige, au milieu des rochers,
j ’étais fort heureux de trouver encore quelque
chose, soit soupe aux choux ou aux fèves,
avec du tchïslik pour me réchauffer ; un gobelet
de bouza (bière de millet) terminait le festin, et
telle était la modicité des prix, qu’après m’être
rassasié, je n’avais dépensé que 20 à 3o cent.
Mon admiration a toujours été excitée à Baktchisaraï,
par la multitude des fontaines qui
murmurent à chaque pas. A l’heure de la prière,
l’on voit en foule les vrais croyants y venir
faire leurs ablutions avant de se présenter
devant Dieu, se laver les pieds, les mains, la
barbe. Des lasses en cuivre étamé sont attachées
à des chaînes en cuivre à côté des gouleaux
{
pour la commodité de ceux qui veulent se désaltérer
(1).
Rien n’annonce l’abord d’un palais, en approchant
de celui des khans. Au sortir de la
longue suite de boutiques, de cuisinesr d’ateliers,
de barbiers, et de tas de pots de terre qui
encombrent la rue, l’on se trouve sans transition
en face d’un quai en pierre qui contient l’eau
noire du Djourouksou, qu’on passe sur un
petit pont. L’on arrive ainsi au palais par une
porte d’entrée qui partage en deux un long
corps de bâtiment à un étage, à fenêtres grillées,
peintes d’arabesques grossières rouges ou bleues,
ayant pour tout ornement d’architecture une
file de hautes cheminées, décorées et rangées
régulièrement au bord du toit.
( 0 De La Motraye, II, p. 42, prétend que l’eau de
Baktchisaraï est plus légère que toutes celles de Tartarie
et de Turquie. Il est certain qu’il est peu de villes aussi
bien arrosées que Baktchisaraï. Pour une population de
9547 hab., elle ne possède pas moins de 119 fontaines
dont 5o sont publiques ; 56 appartiennent à des particuliers
et 13 au palais, ajoutez-y 6 jets d’eau au palais et
dans les cafés. 3a sources plus ou moins riches les alimentent.
La plus riche fournit 43 fontaines à la fois ; une
seconde 175 une troisième et une quatrième, chacune
1.3 ; une cinquième 5. ; une sixième 2 : les autres sources
n’alimentent chacune qu’une fontaine. Cps sources ont
une température moyenne de io° de R. P. de Koeppen,
Ueber i 3o Quellen Taurîens^ p. i 3.