bord de la mer, dont les ondes toujours agitées
refoulent sans cesse la plage sablonneuse; le
voyageur distrait par les longs roulements des
vagues, et marchant à l’ombre des peupliers et
d’une haie d''agnus castus, découvre tout
d’un coup l’approche d’une nouvelle campagne,
masquée par de beaux arbres et des
plantations de toutes espèces, vignes, jardins,
parc et vergers. A sa question, le guide lui répond
par le nom révéré de Richelieu, et je ne
crois pas que personne contemple sans émotion
l’asile que ce grand homme voulait se créer au
milieu des populations tatares de la côte sauvage,
sans chemin, sans ressources quelconques ;
cette maison est le premier essai de colonisation
russe sur la côte de Crimée. Le duc de Richelieu
avait acheté en 1817 cette campagne, qui lui donnait
des droits sur Oursouf, pour 3,000 francs.
En 1825 , avec Koutchouk-Lambat et Nikita,
c’était encore la seule colonie qu’ôn rencontrât
sur la côte ; les temps ont bien changé.
La maison que fit construire le duc était un
vrai palais aérien, car tout y était escalier ou
galerie, à l’exception de deux ou trois petites
pièces réservées au centre de l’édifice ; on voit
que le propriétaire ne voulait que de l’air et de
la vue : il n’en a jamais joui. 11 légua ce domaine
au colonel Stempkovsky, gouverneur de Kert-
che, qui l’a vendu au comte Vorontsof : malgré
les changements et les agrandissements qu’il y a
faits, le comte n’a jamais aimé Oursouf; il a toujours
préféré le pierreux, l’étroit , le rapide
Aloupka à la vallée fraîche et grandiose d’Oursouf
et au superbe promontoire du Front du
Bélier, terre classique où les mythes et l’histoire
se donnent la main. Il a revendu Oursouf à un
seigneur russe, se réservant cependant 100 des-
sétines de terrain, si l’envie lui prenait d’y refaire
un établissement.
Kisiltache. — Ghélinkaïa.-^ La pyramide.
Mon lecteur qui m’a suivi jusqu’au - delà
d’Oursouf, ne s’étonnera pas si je le ramène
encore un instant en arrière jusque sur le col de
l’Aïoudagh, et si je lui propose de m’accompagner
par une autre route. Au lieu de suivre les
rives de la mer, je me dirige à travers un sol
ondulé et légèrement boisé à mi-côte vers le
village de Kisiltache. Là, sur la limite du schiste
et d’un grès rouge qui recouvre le schiste de
ces collines, plusieurs ravins qui se creusent de
plus en plus en approchant de la mer, coupent
légèrement le sol peu incliné; c’est sur cette
terrasse naturelle que s’étend Kisiltache, l’un
des beaux villages de la côte, caché dans les
noyers et les hauts peupliers. Quelques fragments
de rochërs semés çà et là sont des trai*