avec la divinité vierge des Taures, avec Iphigénie,
avec, les victimes qu’on précipitait du
haut d’un rocher. Ne serait-ce point une allusion
à l’histoire d’Iphigénie, qui expliquerait comment
cette étrangère fut sauvée et consacrée au
service de la divinité ? Quant au monastère que
mentionne la légende, il paraît que ce n’est
qu’une invention des Tatares, car il n’y a pas
trace d’église ni de chapelle sur ce rocher. Mais
certes, pour une cérémonie comme celle des
Taures, pour un sacrifice comme ceux qu’ils
faisaient, il n’y avait pas d’endroit plus commode,
pas d’autel plus beau et mieux exposé à
la vue d’une immense foule de spectateurs. Alors
on pourrait interpréter le nom de Ghélinkaia
(la pierre du rire) (1), et lui supposer la même
origine qu’au rire sardonique des enfants sardes
qui, en riant, tuaient leurs pères âgés de 70 ans,
à coups de bâton, et les précipitaient du haut-
d’un rocher (2).
D’autres faiseurs de légendes changent quelque
chose à celle que je viens de raconter : il
s’agit toujours d’une vierge; mais elle ne fuit
pas, elle ne se précipite pas : au contraire,
comme celle du Mont d’Or, près de Kertclie,.
(1) yelzco, je vis, je me moque.
(2) Natalis comùis mythologia, p. 65, Colonice Alîob.
1612.
elle réside sur le sommet du rocher, et la veille
de chaque Sl-Jean elle apparaît aux passants,
leur sert à boire, attendant avec impatience
l’élu, l’amant qui lui aidera à partager les trésors
qu’elle garde.
Je le répète, c’est quelque chose d’extraordinaire
de retrouver la même légende d’une divinité
vierge, perchée sur un rocher ou sur un
tertre élevé, gardant des trésors pour son
amant, et apparaissant la veille de chaque St-
Jean, répétée à de si grandes distances, depuis le
Bosphore Cimmérien jusqu’à l’île de Rughen (1 ).
Cette vierge ne peut être que la déesse Ligho
ou Lido des Lithuaniens et des Lettoniens ,
leur Yénus, leur déesse de VAmour et de VA-
mitié, révérée encore aujourd’hui dans leurs
chants, et dont la fête se célèbre chaque année,
la veille de la St-Jean. Les femmes en chantant
courent dans les bois et au bord des ruisseaux
chercher des fleurs auxquelles elles attribuent
de grandes vertus. Les hommes allument de
grands feux dans les bois ou au milieu des
(1) La Vierge près de Kertche , apparaît au sommet du
fameux tumulus du Mont-d’Or ; à Kisiltache, c’est sur la
cime du Ghêlinkaïa; à Po/croi, en Lithuanie, elle se poste
sur un petit tertre, au milieu d’une prairie baignée par
la Kroi ; à Rughen , elle s’est réfugiée sur le Waschstein
de Stubbenkammer, gros bloc erratique de granité, qui
s’élève au-dessus des flots du rivage.