pour demeure aux deux époux la ville de Pha-
nagorie, qui s’était relevée de ses ruines.
L’empereur Tibère qui avait détrôné Léonce
à son tour, ayant appris la retraite de Justinien,
offrit une grande somme au khakan s’il voulait
le lui livrer mort ou vif. Le khakan se laissa
entraîner et envoya à Phanagorie deux officiers,
Papatzes, lieutenant du khakan à Phanagorie,
et Balgilzes, archonte du Bosphore, pour tuer
l’ex-empereur.
Mais un esclave avertit secrètement Théo-
dora, qui en instruisit son mari. Justinien fit
venir les officiers, les étrangla de ses propres
mains, renvoya Théodora à son frère, et se jeta
dans une barque de pêcheurs avec laquelle il
gagna un lieu nommé Asad (1) , d’où il alla
aborder au port des Symboles (Balaklava). De
là, ayant fait venir secrètement de Cherson six
de ses amis, il remonta avec eux flans la même
Barque, gagna les bouches du Danube et fut
bientôt maître de Constantinople.
De 704, année de son rétablissement, jusqu’à
7 11, Justinien, absorbé par ses cruautés et par
ses vengeances, suspendit l’exécution de ses
menaces contre Cherson. Mais enfin, il se souvint
de sa promesse : il mit sur pied une flotte
montée, dit-on, de cent mille hommes, et donna
0 ) J ’ignore où était Asad.
ordre au patrice Etienne, surnommé le Farouche,
d’aller passer au fil de l’épée les habitants
de Cherson.
Etienne, moins cruel que l’empereur, donna
à la plupart des habitants de Cherson le temps
de prendre la fuite : les jeunes garçons et les
enfants qui restaient furent faits esclaves. Les
principaux de la ville qu’on avait arrêtés furent
partagés en trois bandes; sept qui passaient
pour les plus coupables, furent enfilés ensemble
par les pieds à une barre de fer, et suspendus
la tête en bas, ils furent brûlés à petit feu. Vingt
autres, jetés et garottés dans une barque, furent
coulés à fond. Quarante nobles et les protévon-
tes de Cherson furent envoyés à Justinien avec
leurs femmes et leurs enfants.
L’empereur, très-irrité des ménagements d’E-
tienne, lui ordonna d’amener à Constantinople
toute cette malheureuse jeunesse qu’il avait
épargnée. Etienne obéit, partit avec toute la
flotte au mois d’octobre ; une affreuse tempête
la submergea presque tout entière ; à peine en
réchappa-t-il quelqu’un, matelot ou esclave.
Croirait-on que Justinien fut joyeux de ce
que la mer eut, comme il le disait, prévenu sa
justice; un pareil désastre ne fit qu’augmenter
sa soif de vengeance contre Cherson. Cette ville
apprit bientôt que l’empereur était décidé à
l’exterminer. On travaille en diligence aux for