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jourd’hui, il ne reste plus que quelques pans de
ce grand bastion (i)'.
Pour s’assurer l’usage d’un petit port protégé
par un môle et par le rocher du château,
l’on avait fait descendre jusqu’à la mer une muraille
appuyée d’une tour ronde. Il n’y a de visible
que les cases taillées ou creusées dans le
rivage escarpé pour y mettre à sec les galères
pendant les tempêtes de l’hiver.
Aucune de ces constructions ne ressemble
parle style et la nature de la maçonnerie à celles
de l’Aïoudagh, du Petit Kastèle et des Demir-
Kapou que j’ai attribuées aux Taures.
Celui qui se sentira la force de grimper sur le
sommet des rochers, ne regrettera certes pas
ses efforts ; car il est rare de trouver une vue
plus riante, plus vaste et plus variée. Sans doute
c’est toujours l’Aïoudagh, la mer, le Nikita-Bou-
roun, la chaîne Taurique, etc., mais jetez les
yeux devant vous ; est-il rien de plus curieux que
la bourgade ta tare que vous voyez à vos pieds ?
(1) Comparez la vignette B. 7, t. II, p. 185, dePallas
où les murailles sont presque entières, avec la vue que je
donne IIe série, pl. 5i . Le dessin d’Oursouf, publié t. IIJ,
p. 227 par de marquis de Castelnau, est vrai en général ;
mais les détails des ruines ne sontrien moins qu’exacts : il
a changé la pointe du rocher la plus rapprochée de la mer
en une tour qui n’a jamais existé, comme je m’en suis
convaincu. La batterie génoise est beaucoup trop élevée.
de grands noyers, des figuiers, des peupliers,
forment des labyrinthes de verdure au milieu
des huttes que séparent encore d’énormes ruines
dérochés calcaires stériles. Aux mois d’août et
de septembre, cet ensemble est vraiment bizarre,
car on voit tous les toits plats en terre, bariolés
de rouge, de bleu, de jaune; ce sont des prunes,
des pommes, des cormes, que la timide Tatare
sèche soigneusement, les remuant de temps en
temps avec la main : son oeil défiant guette la
venue des indiscrets, et au moindre bruit on
la voit s’enfuir , à moins que ce ne soit une
vieille sans dents , aux cheveux teints en
rouge avec la racine grisonnante. Celle - là
reste.
En dehors du village, Madame Kaznatchéïeff,
la femme du gouverneur, a placé ses économies
sur l’acquisition d’une jolie propriété située
au bord de la mer : ayant eu l’occasion d’ajouter
à cette première portion une propriété dont
la route publique la séparait, M. le gouverneur
n’a rien trouvé de plus simple et de plus court
que de transporter la route plus loin et de lui
faire faire le tour de son domaine, allongeant
passablement ainsi l’ancien chemin. Il n’est rien
de triste comme l’abus du pouvoir dont tout un
public pâtit.
Au-delà de cette campagne que l’on a baptisée
du nom sonore de Minga, la route suit le