Pendant quelque semaines, c’est un manger
très-commun et à très-bon marché à Sévasto-
pol.
Quand la neige les chasse de la Chersonèse,
elles cherchent alors à passer sur la côte du côté
deLaspi, où il n’y en a pas ; il faut alors les voir
se poster sur la pointe du cap Parthénique, et les
voir se lancer par-dessus la haute falaise, s’essayer,
descendre vers la mer, remonter, se loger
parmi les rochers escarpés, et de station en
station, tenter ainsi l’aventure. C’est ici surtout
que les chasseurs les attendent ; mais ce n’est
pas sans danger quand la neige est profonde et
qu’il fait des froids de — 12°. Acharnés sur leur
proie, ils s’oublient, la nuit les surprend dans
cette vastitude ; et l’hiver de i 832 à i 833, l’on
eut à déplorer plusieurs graves accidents on
trouva plusieurs chasseurs gelés,
Sévastopol.
Après m’être tant promené parmi les ruines,
l’on ne me pardonnerait guère si je ne disais pas
quelques mots de la Cherson moderne, de Sé-
vastopol qui a succédé à la ville des Héraeléotes,
avec la différence que si l’une était un grand
marché commercial, l’autre est uniquement un
port et une ville de guerre : aucune considération
accessoire, mercantile ou industrielle, n’est
entrée dans l’esprit de la fondation de Sévasto-
pol. En conséquence, tout y est militaire, tout
y est flotte, arsenal, batterie , caserne.
Lors de la conquête de la Crimée qui fut assurée
à la Russie par le traité deConstantinople,
du 10 juin 1783, les Russes ne trouvèrent autour
de la magnifique baie de Sévastopol, que le
seul petit village à'Aktiar, enfoncé au nord de
la baie dans les parois éclatantes de marne blanche,
qui bordent Je rivage escarpé. Pendant tout
le temps de la domination des Tatares et des
Turcs, ce bassin qui pouvait former un port
incomparable, l’un des meilleurs du monde,
avait été négligé. Les Tatares donnaient à la
Grande-Baie le nom de Kadi-Liman, et celui
de Awlita à la partie intérieure de celte baie, y
compris la baie du Carénage (1).
Immédiatement après la conquête, le gouvernement
russe fit les premiers préparatifs pour
redonner à cette baie sa primitive illustration.
Dès 1784 1 au printemps, on avait commencé
quelques bâtiments pour les malades de la flotte
et pour les vivandiers 5 on les avait placés au
fond de la baie de l’Artillerie, près d’une belle
source d’eau vive. Encore alors l’on était incertain
où l’on bâtirait la ville ; mais on penchait
déjà pour sa position actuelle. Quatorze vais-
(i) Pallas, Voyage, II, 46 et 47-