avec une terrasse couverte de rosiers et un
grand bassin au milieu duquel s’élevait un
kiosque d’où le khan regardait ses femmes se
baigner (1).
Achelama devait être reparé par l’ordre de
l’impératrice Catherine II ; mais il paraît que le
misérable état dans lequel s’est trouvé ce jardin,
a fait renoncer à ce projet : car aujourd’hui c’est
la plus triste des ruines; on n’y voit absolument
rien qui rappelle le séjour des souverains
de la Crimée. Il tirait son nom RAchelama,
qui signifie greffe, de beaux jardins d’arbres
greffés d’excellentes espèces de fruits, et
dont il ne reste pas plus que du palais de plaisance.
A gauche du jardin détruit, l’oeil considère
avec étonnement, sur le rocher perpendiculaire
et menaçant, une petite ville dont les maisons
vont jusqu’à border le précipice. C’est Tchou-
fout-Kalé.
Il s’est fait, lors du déchirement de la cluse de
Baktchisaraï, une fente secondaire dans le flanc
gauche. Son écartement a isolé une portion de
la corniche du rocher, qui s’avance comme un
promontoire entre la vallée principale et le
vallon secondaire. Il se termine en pointe
( 0 Voyages hist. elgéogr., 3e partie. Extrait du journal
d’un voyage fait au printemps 1784, p. 22.
émoussée, et va en se rélargissant. Il ressemble
exactement à ceux de l’acropole de Mangoup, et
de la Tour de Surène, et comme eux il a été
fermé par une porte et par une muraille qui
s’étend d’un précipice à l’autre.
J’y montai par un chemin tracé sur le flanc
du rocher, et qui sert à la communication des
habitants avec la route qui mène sur la côte
méridionale. Au dedans de la muraille commencent
les maisons basses bâties à la manière tatare
; elles forment une rue principale, très-
étroite, fort propre, ayant le rocher pour pavé
et se terminant à une autre porte et à une autre
muraille qui ferment la ville du côté de l’inté-
rieur du promontoire. On compte 212 maisons
qui sont habitées par des Juifs-karaïmes, venus
d’Asie à la suite des Tatares et Mongols dans le
treizième siècle. Ils sont tous marchands et ont
leurs boutiques à Baktchisaraï, où ils passent la
journée ; ils remontent à la tombée de la nuit
dans leur forteresse, dont ils ferment soigneusement
les deux portes.
Ces Juifs-karaïmes rejettent le Talmud, et
n’ont aucun défaut des Juifs polonais, le vol,
1 effronterie, le mensonge, la bassesse, la saleté,
la tromperie , quoiqu’ils leur ressemblent de
figure. Leur séparation des talmudistes, selon
quelques savants, remonterait à plusieurs siècles
avant J.-C., tandis que les babbinistes préten—