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mer jusqu’à une hauteur de 3 à 400 pieds.
Tel est le sol extraordinaire que le comte Vo-
rontzof a choisi pour demeure favorite en Grimée
; un labyrinthe, un vrai chaos, d’énormes
fragments de granité ophitique. A la première
vue, on ne peut comprendre comment un sol
aussi aride peut avoir du charme et peut pr êter
aux merveilles qu’on va admirer à Aloupka. Mais
avec beaucoup d’argent, malgré la nature ‘la
plus revêche, on peut créer les jardins d’Armide,
et certes, ceux d’Aloupka pourraient bien rivaliser
avec ceux que le chantre de la Jérusalem
Délivrée a voulu peindre plus beaux que la réalité.
Ici, à Aloupka, l’art n’a point forcé la
nature; il l’a seulement aidée, caressée, flattée ;
il lui a fait une belle toilette, et la nature ainsi
parée èst encore la nature.
Le nouveau palais dont j ’ai vu l’aile qui devait
renfermer la salle à manger, s’allon ge sur * un
terre-plein, à 155 pieds au-dessus de la mer : il
est construit d’après des plans où l’artiste a réuni
tout ce que l’Angleterre renferme de plus riche,
emprunté à ses beaux châteaux gothiques. Entièrement
revêtu à l’extérieur de pierre de taille,
on a employé pour ces élégants détails le granité
. ophitique qu’on avait sous la main : il est d’un
vert bleuâtre, et peut recevoir un beau poli,;
mais il est difficile à tailler. Pour faciliter le travail
, on a joint au granité, le grès de Nikita
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et d’Oursouf, qui est aussi d’un beau vert et
qui se taille beaucoup plus facilement. Les jardins
et le parc embrassent le palais et s’étendent
à l’est vers Miskhor. L à , je pourrais m’égarer
sous les berceaux de verdure, au bruit des cascades
et des fontaines, si M. Keebach, directeur
des travaux du jardin, ne me guidait; je le
suis sous les voûtes de blocs de granité qu’il a
pratiquées en grottes ; puis il me fait monter sur
le dos de ces colosses qui rivalisent avec les plus
monstrueux de nos blocs erratiques du Jura :
j’admire les divers points de vue, les pelouses,
les arbres et surtout un superbe plaqueminier et
deux cyprès que, selon la tradition, le prince
Potemkin planta en 1787, lors du séjour de
l’impératrice Cathrine en Crimée. Je me promène
autour d’un fort bel étang, peuplé de
truites, etrustiquement encaissé par des granités,
dont on n’a guère changé la place : tout cela est
superbe ; mais cela ne m’explique point d’où
viennent ces blocs. Enfin, me dit mon guide,
vous venez de voir ce qu’il y a de plus riant, de
plus riche en fait de plantes et de verdure.
Voyez la mer brillante..... Maintenant retournez
vous et faites quelques pas. Il n’est pas possible
à une distance aussi minime de voir succéder
aussi rapidement aux créations les plus
riches, une création plus sauvage, plus triste,
plus aride, plus épouvantable Retournons,