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cache dans un faisceau de fagots ; on la descend
ensuite le long du rocher dans un petit vaisseau
qui favorise leur fuite a tous trois. Avant de
quitter le rivage, Oreste y dépose sa chevelure
de deuil.
J’avoue que cette expédition d’Oreste et de
Pylade ne me paraît rien moins que fortuite ;
elle me semble avoir été*dictée par le dessein de
ramener de son exil Iphigenie que sa famille n a
vait pas perdue de vue. On peut croire que la
disparution subite et secrète de la grande-prêtresse
et de la deesse elle-meme , dut surprendre
la superstition cruelle des Taures, qui dès-
lors confondirent la prêtresse avec la divinité,
et sacrifièrent les étrangers naufragés, autant
pour plaire à leur divinité que pour les venger
l’une et l’autre de leur prétendu enlèvement.
Le récit d’Hérodote le prouve clairement : « Les
Taures eux-mêmes disent que la déesse à laquelle
ils font ces sacrifices , est Iphigénie , fille
d’Agamemnon. »
Mais quel a été le théâtre de cet événement ?
Peut-il y avoir de doute à cet égard ? Sans doute,
car les anciens ne sont pas d’accord a ce sujet.
Hérodote dit seulement qu’on sacrifiait à Iphigénie
, dans un temple au haut d’un rocher , sur
la côte montagneuse des 1 aures, sans indiquez
de localité. Scymnus de Chio, cent ans avant
notre ère, est le premier qui l’indique, en faisant
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débarquer Iphigénie, lorsqu’elle disparut de
l’Aulide, à Parthénilh, au pied du Krioumétô-
pon, où les Taures sacrifiaient à leur divinité.
Ainsi les deux récits se complètent, et il est
prouvé que la plus ancienne opinion des Grecs
plaçait le théâtre du mythe d’Iphigénie sur la
cime de l’Aïoudagh. Je ne sais ce qui a fait
abandonner cette antique tradition pour une
nouvelle. On lit dans Strabon : « A Cherrone-
sus, il se trouve un temple d’une certaine divinité
vierge ( TccxpOevov i'epov, Soclftovoç nvoç) qui a
donné son nom au promontoire Parthénique
(de la Vierge) situé à 100 stades de la ville,
sur lequel se trouve encore une chapelle de ladite
divinité avec sa statue. »
La véracité et l’exactitude reconnues de Strabon,
ne pei-mettent pas de douter de l’existence
du temple et de la chapelle de celte divinité
vierge des Taures., qu’on voit ailleurs tant de fois
l’épétée, sous la figure de Diane, sur les nombreuses
médailles de Cherson. Pline et Ptolémée
parlent aussi du cap Parthénique, qu’ils ont sans
doute emprunté à Strabon. Il est clair, d’après
les propres expressions de ce dernier, qu’il veut
parler de la déesse vierge, sans nom, des Taures ;
mais il ne fait aucune allusion à Iphigénie, quoi-
qu’au livre X I , il sache fort bien qu’Oreste et
Iphigénie sont allés de la Scythie Taurique en
Cappadoce.