A mon avis, les paroles de Strabon ne prouvaient
qu’un fait, celui de l’existence de plusieurs
temples de la divinité vierge sur la côte
des Taures. Les colons de la Chersonèse trouvèrent
sur le haut promontoire qui les séparait de
Palakium, le temple que les Taures de cette ville
avaient éi’igésur le bord du rocher, et selon leur
coutume ils acceptèrent ce nouveau culte qu’ils
assimilèrent à celui de Diane. Voilà le fait, il
me semble. Néanmoins, tous les auteurs se
trompant ont voulu, de propos délibéré, voir
dans Strabon plus qu’il n’y avait, et ont transporté
le lieu de la scène d’Oreste sur ce cap
Parthénique. Si Iphigénie est la même que la divinité
taure, il est clair qu’on peut donner son
nom aux ruines du temple qui sont encore
visibles au bord du promontoire ; mais y chercher
les traces d’Oreste, de Pylade et du roi
Thoas, etc., sera toujours contraire à la tradition
primitive.
Pour en revenir à la pluralité de ces sanctuaires
de la divinité taure, je remarquerai que
tous étaient au bord d’affreux précipices, du
haut desquels les prêtres pouvaient lancer leurs
victimes presque jusque dans la mer. Ces lieux
qui inspiraient la terreur, que les navigateurs se
montraient de loin, reçurent l’épithète de sacrés
(Aïa), que porte le promontoire Parthénique,
le cap Aïa près de Laspi, et l’Aïoudagh luimême
, quoiqu’on prétende le faire dériver de
A'iou, en talare ours (1).
Parthénith, l’Aïoudagh (Baïouk-Kastèle,Krioumétôpon).
Après ce commentaire sur la géographie et sur
l’histoire religieuse de l'antique côte des Taures,
je vais confronter les faits avec les localités.
On peut s’attendre que la nature, à la sortie
du chaos de Karabagh, rentre aussitôt dans la
paix, et la terre dans son état normal, que tout
reprenne son allure symétrique. J’espère le contraire
; je m’attends à ce qu’elle m’offrira quelque
tableau encore plus beau de ses forces gigantesques
et de ses puissantes créations pour
justifier la prédilection que tous les peuples de la
côte, à commencer par les Taures, ont eue pour
ce sol extraordinaire.
Traversant le chaos de Sunenkaïa et Kout-
chouk-Lambat, je chevauche lentement avec
(1) Aytoc, saint, sacré. Le cap Parthénique s’appelle
ainsi Aïa-bouroun: le cap sacré. Dans la carte de Nicolas
Witsen (1697), cet auteur l’appelle Ajajedoge, comme aujourd’hui
l’Aïoudagh, preuve que l’origine de ces deux
noms vient de a-ytos et non de aïou. P. de Koeppen, Krimskii
Sbormk, p. 167. Il existait une ville et un cap Parlhenuua
aux environs de Kertche, entre l’embouchure du Bosphore
Cimmérien et la Mer d’Azof.