An 3
Brumaire
' nous mettions du miel, M. Kerautrai notts pria
de demeurer au moins le jour suivant chez lui;
pour nous y engager davantage, il nous promit
de nous mener où il y avait de belles plantes.
Je n’acceptai pas une offre si obligeante, dans
la crainte de déranger mon hôte; mais je visitai
avec lui tout son petit domaine. L ’attention
avec laquelle j ’examinai son bien, parut flatter
beaucoup son amour-propre.
Trente balles de café, quinze beaux girofliers
qui pour la première fois donnaient des
clous, faisaient les deux tiers du revenu de
l ’habitation de M. Kerautrai ; le reste du rapport
consistait en miel, M. Kerautrai élevant beaucoup
d’abeilles. L a plupart des habitans de
Saint-Joseph se livrent à cette branche d’économie
rurale ; ils creusent de vieux troncs (1)
pour faire ce qu’ils appellent des bombardes
ou ruches ; ils vont chercher des abeilles
dans les bois, aux çirnes et dans les trous des
arbres. L e miel de Bourbon est excellent, et
celui d e là paroisse de Sa int-Pierre, qu’on
appelle miel vert x passe pour le meilleur du
monde. Il paraît que les insectes qui donnent
(i) Particulièrement d’un arbre du genre Blacwe-
Hçi} qu’on noxnme à cause de cela bois de bombarda
Cette qualité précieuse , en recueillent le s *
élémens sur la mimeuse hétèrophylle et sur AnX'
un arbre que, dans le pays, on appelle tan-
rouge (1) : ce végétal appartient au genre
appelé par les botanistes weinmannia.
Les habitans de Sainte-Rose ignorent près*
que l’usage de l’argent; c’est en denrées qu’ils
font leurs échanges ; et certes , lorsque je
visitai le quartier , ceux qui l’approvisionnaient
d’arack, de toile bleue, de pierres à
fusil, de pipes , de poudre et de plomb à
tire r, qui sont à -p e u -p r è s les principales
choses qu’achetent les créoles , les leur faisaient
payer bien cher en café ou en miel.
Au moment de quitter M. Kerautrai, un
incident faillit à lui ôter l ’opinion distinguée
qu’il avait prise de nous. Toute indifférente
que peut être cette histoire pour plusieurs des
personnes qui liront ce Voyage, je ne puis
m’empêcher de, la raconter.
Le gendre de M. Kerautrai, q u i, outre la
mort de sa femme, plqprait celle de son père
dont il avait hérité conjointement avec trois
autres frères établis dans les autres parties de
... . — -
(x) Weinmannia ( glabra )fo liis pinnatis, folioli&:
vbovatis 4 crenatis j loevibus. Suppl. p. 228*