
dé cette euphorbe ; selon,lui, c’étoit dans
le moment où nous nous trouvions, celui de
sa floraison, que son suc est le plus actif, et
c ’est alors aussi que les Sauvages en font
leur provision. Pour le recueillir, iis pratiquent
sur la plante de petites incisions,
par lesquelles il découle; et onle reçoit dans
des vases particuliers, destinés à cet usage.
D’abord sa couleur est laiteuse et blanche
; mais bientôt elle devient brune ; elle
s ’épaissit, et forme une sorte d’électuaire qui,
en se concentrant de plus en plus , acquiert
une vertu plus active et plus meurtrière.
C’est avec cette pâte mortelle que les
chasseurs enduisent leurs flèches. L ’expérience
leur ayant appris que très-rarement
une flèche ordinaire suffit pour abattre une
pièce de gros gibier, ils ont imaginé de
l ’arrêter subitement dans sa fuite, en glaçant
et coagulant son sang par l ’effet prompt
et infaillible d’un poison subtil. Pour qu’il
meure, il fâut que le vénin atteigne le sang
et s’y mêle; néanmoins, par un effet inconcevable,
l’animal, quoiqu’empoisonné^ n’en
est pas moins un aliment sain, comme je
l ’ai dit ailleurs.
L ’extrémité des flèches est faite d’un fragment
d os, bien acéré. Si on y employoit
du fer, 1 activité du poison attaqueroit le
métal, qu’il convertiroit en rouille ; et il se
detacheroit et lomberoit avec cette rouille.
Quand on y joint une pointe de fe r , on a
soin fde placer la pâte de façon que le métal
n’en soif pas touché.
Dans les lieux où il y a de petits réservoirs
d’eau que fréquente le gibier, les Sauvages
emploient contre lui l’euphorbe d’une
autre manière encore. Ils la coupent par
tranches ; jettent les rouelles dans le bassin
, en ayant soin d’agiter l ’eau de tems en
tems pour faciliter l ’infusion ; puis , quand
ils la croient suffisamment empoisonnée ,
ils en retirent les morceaux, parce qu’aucun
animal n’oseroit y boire s’il les y ap-
pcrcevoit. Cette méthode, beaucoup plus
sûre que la première , seroit en même
tems très-destructive, si le gibier n’avoit
un instinct qui l’en garantît. On assure
qu il est des espèces dont les sens sont si
exquis, qu’elles peuvent distinguer sans
peme l’eau empoisonnée, et que jamais
pendant le jour, elles ne s’y laisseroient
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