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trace ; tandis qu’au Cap-de-bonne-Espé-
rance elles en ont toutes de plus ou moins
fortes , et même les vieux mâles y portent
des armes formidables ; car il n’est pas
rare d’y tuer de ces derniers dont les défenses
spient chacune du poids de cent
livres'; on en a même eu dans les magasins
de la Compagnie qui pésoient jusqu’à
cent soixante livres ; c’est ce que m’ont
assure plusieurs personnes dignes de fo i,
qui etoient chargées de cette'partie au Cap.
Les éléphans de Ceylan seroient-ils donc
d’une espèce différente de ceux d’Afrique ?
C’est ce que je ne puis croire ; il est cependant
prouvé maintenant que le rhinocéros
de l ’Inde n’est pas de la même espèce
que celui du Cap-de-Bonne-Espéran-
ce ; puisqu’ils ont entre eux des caractères
distintifs, qui les séparent totalement l’un
de l ’autre ; c’est ce qu’il faudrait démontrer
à l’égard des éléphans du Cap et de •
Ceylan. Les colons, et les Hottentots qui
avoient eu occasion de rencontrer ou de tuer
des éléphans poes-kop, m’ont assuré qu’ils
etoient tous mâles. Celui que je venois de
tuer avoit dix pieds quatre pouces de hau-
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teur. A juger de son âge par ses molaires,
qui. n’étoient presque pas usées, il devoit
être très - jeune encore. La femelle n’a-
voit en hauteur qu’un pied de moins :
c ’étoit la plus grande que j ’eusse encore
vue ; ses défenses pesoient vingt livres chacune
; cependant dans la suite de ce voyage,
j-’ai rencontré des femelles plus fortes que
celle-ci , et dont les défenses pesoient un.
tiers de plus.
Cette taille extraordinaire dans des animaux
qui habitent une contrée si stérile,
qui ne produit que des eaux saumâtres, m’a-
voit beaucoup étonné. J’observai aussi que
les bestiaux du Baster , étoient d’une force
et d’une .grandeur remarquable : ce double
fait me conduisit à une réflexion bien simple.
Parcourant, à mon précédent voyage,
le pays des Caffres et la terre d’Auteniquoi,
je n’avois vu , de toutes parts, que des sites
enchanteurs, pâturages toujours verdoyans,
forêts magnifiques, rivières et ruisseaux
abondans; nulle contrée n’étoit,, en apparence
, plus favorables aux herbivores,
tant domestiques que sauvages. ; et néanmoins,
ils sont, non-seulement retardés