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cachés dans mon camp ; et moi, pendant
ce tems, j ’allai chez leurs parens faire ma
visite.
La famille me connoissoit déjà de réputation;
et d’ailleurs Pinard, quiavoit pris
les devants, et qui étoit allé descendre chez
e lle , venoit de lui parler de moi avec quelques
détails. Êlle me reçut très-obligern-
ment, me fit des reproches de n’être pas
v en u , comme Pinard, lui demander uri.
logement, et me renouvella ses offres dé
service en tout ce qui dépendoit d’elle.
Cette famille eonsistoit eñ deux fils , dont
un haut de six pieds * et deux filles ; l ’une
grande et fort jo lie , l ’autre imbécile. Au
reste, dans toute notre conversation, il
n’y avoit que trois des enfaUS et leur mère
qui prissent et tinssent la parole. Le bonhomme,
vieillard septuagénaire, compté
pour rien dans la maison et regardé commè
n u l , étoit assis dans un coin , où il écou-*
toit sans mot dire. Depuis long-tems sa
femme l ’avoit mis au régime du silence ;
e t , sous prétexte d’épargner ses poumons ,
qui quelquefois souffroient d’ün asthme,
elle
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elle lui représentoit, dès qu’il osoit se per-*
mèttre d’ouvrir la bouche, qu’il alloit se
fatiguer, et le prioit de se taire.
L ’infortuné payolt bien cher l’échange
qu’il avoit fait de ses femmes hdttetttotes
pour une femme blanche. Dominé , dès le
Commencement, par cette maîtresse impé*
rieuse, il en étoit devenu l ’escIaVe ; et c*est
par une. suite de cette foiblesse qu’il s’e-
toit vu forcé d’entrer dans la conjuration
qu’elle avoit formée contre les, enfàns du
premier lit. Confus et humilié du rôle qu’il
jouoit , il paroisspit souffrir de ma, pre-1
sence. Quelquefois pourtant il se hasardoit
à me sourire avec affection; mais c’étoit à
la dérôbée, et d’un air inquiet qui me fai-*
soit voir qu’il craigndit d’être apperçu de
sa femme.
Il étoit né en Allemagne * et je parlols
Sa langue. Par pitié pour sa peine , autant
que par égard pour son titre de maître, je
voulus le mettre pour quelque chose dané
la conversation ; et lui fis , en allemand ,
diverses questions sur sa patrie , sur le teins
où il l’avoit quittée, sur les circonstances
qui FaVoient conduit en Afrique, enfin sur'
Tonte I I . Q