
Y G Y A G E
et m’invitoient à marcher aussitôt vers les
pâtres. M o i, de mon côté, je lui témoignai
toute ma reconnoissance, et louai dans
tout ceci son intelligence, sa prudence et
son zèle.
Ce n’étoitpas assez d’avoir échappé momentanément
aux angoisses mortelles de la
soif; il falloit encore échapper, pour ainsi
dire, au désert, en trouvant les moyens
d’en sortir ; c’est ce que pouvoient seuls
nous enseigner les pâtres. Guidés, par Jantie
nous marchâmes avec empressement vers
eux ; mais , malgré notre ardeur commune,
mes hottentots trouvoient, d’espace en espace
, dans leur route, des motifs de;distraction
: c'étaient les dépôts d’eau pluviale
que , pendant. la n u it , l’orage avoit
formés dans certaines cavités des rochers.
Ils ne pouvoient se lasser d’admirer ces
beaux bassins d’un cristal liquide et de la
plus pure transparence ; ils s’empressoient
d’y goûter; et si l ’un d’eux découvroit un
nouveau réservoir,il appelloit ses camaradés
qui s’extasioient de plus belle, èt ne manquaient
pas d’y goûter encore, et de trouver
ses> eaux plus abondantes, plus claires et
meilleures : vrais enfans, qui sembloient se
rassasier pour la soif à venir !
Je sentois au dedans un contentement
bien vif, en voyant ces malheureux Hottentots
rire et s’amuser de nos désastres passés
, et satisfaits du présent, ne plus songer
aux évënemens futurs. J’en étois occupé
pour eux, mais sans leur en faire part.
Cependant une pensée, m’attachoit plus fortement
encore, et l ’espoir qu’elle, faisoit
briller à mes y eu x , mettait le comble au
charme que me faisoient éprouver ces scènes,
aussi naïves que touchantes. La multiplicité
des réservoirs que nous trouvions sur
notre route, m’annonçoit que l ’orage s’étoit
étendu fort loin; et je concluai, avec raison,
qu’étant venu de la partie de l ’ouest, il avoit
dû, avant de fondre sur nous , vivifier la
plaine où j ’avois abandonné mon camp, et
remplir le réservoirprès duquel j ’avois laissé
mon vieux Swanepoel avec quatre hommes.
Chaque instant me retràçoit leur joie : je
les voyois former, à mon égard, les mêmes
conjectures consolantes. Je les remerciois
tout bas de leur dévouement généreux.