
pied des épines, sans les enfoncer davantage
dans l’autre. Enfin, on prit le parti
de me soulever en me couchant un peu ho-
risontalement ; puis, d’un même effort et
d ’un seul coup de main , on retira la
plante.
L ’opération fut cruelle. Néanmoins je la
supportai tranquillement, parce que je
crus qu’elle seroit la dernière de mes douleurs
, et qu’il n’y avoit plus , pour être
guéri , qu’à arrêter l ’inflammation. Dans
ce dessein , je me fis envelopper la cheville
et le pied avec un cataplasme de lait et
d’herbes, que me firent mes Hottentots ; et
je me mis au l i t , ne doutant pas que le
jour d’après je ne pusse marcher à mon ordinaire.
Mais quel fut mon étonnement,
quand le lendemain je sentis mes souffrances
beaucoup augmentées , pt que je me
vis le p ied , la jambe, et la cuisse même si
prodigieusement enflés qu’ils ne pouvoient
se prêter à aucun mouvement. Klaas Baster
et ses Hottentots , en me voyant dans cet
état, déclarèrent que la plante qui m’avoit
blessée étoit vénimeuse , et qu’il n’y avoit
que dos bains de lait chaud qui pussent
me guérir. J’adoptai ce régime , et je restai
pendant huit jours couché, sans sortir
de dessus mon matelat. Enfin, le huitième
jour , l ’enflure disparut totalement;
mais quoique je pusse me soutenir sur mes
pieds, ma jambe néanmoins étoit d’un brun
verdât;re ; et ce ne fut que plus de trois
mois après ma blessure, qu’elle reprit sa
couleur naturelle. Mes gens nommèrent la
plante , depuis mon accident, gift-doorn
( épine empoisonnée ).
Tel étoit l ’état de ma santé . au moment
où je me disposois à partir. Toutes les inquiétudes
m’assailloient à la fois; et de
^toutes parts je ne voyois que des sujets de
crainte. J’avoisfait des échanges avec Klaas
Baster pour une trentaine de moutons, afin
de me former un nouveau troupeau. Je voulus
même que pour la route ils s’accoutù-
mâssent, ainsi que mes chèvres, à ne pas
s’écarter de mon camp ; et dans ce dessein ,
je les fis garder pendant quelques jours ,
près d’elles, autour de mes chariots et de
mes tentes. Mais ce n’étoient pas les moutons
qui me devenoient le plus nécessaires
pour mon voyage. Comment l ’entreprendre
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