
puisque ma marche étoit en raison contraire
de celle des saisons ; quoique la prudence
nie conseillât de retourner au Cap, et qu’il/
11’y eût presque qu’une fausse honte qui me
fit persister dans mon projet , je résolus de
reprendre ma route et de poursuivre mon
voyage chez les Namaquois.
Ma santé n’étoit pourtant pas trop assurée
; et il me restoit quelque incommodité
encore, d’un accident qui m’ayoit tenu dans
ma tente pendant huit jours.
De toutes les plantes remarquables de ce
canton, celle qui a le plus fixé mon attention
, est une espèce de géranium épineux
à grandes fleurs, à laquelle les Namaquois
ont donné, dans leur langage, le nom
ÜAnourap.
Ce geranium aune propriété particulière; -
c’est qu’avec le tems , toute- sa partie intérieure
se détruit entièrement ; tandis que
son écorce reste intacte. Dans cet état son
tronc et ses branches sont totalement creux ;
l ’écorce alors prend une certaine transparence
et la couleur d’une belle colle de
Flandres; jettée au feu , elle ne se brûle
point comme du bois, mais se racornit et
se tortille comme le feroit une corde de
boyau. . ; .
On trouve de ces géraniums qui portent
des fleurs jaunes et d’autres des fleurs blanches;
mais ce qui prouve que ce ne sont
absolument que dés variétés , c’est qu’il
m’est arrivé de trouver sur le même pied
des fleurs de ces deux couleurs.
Parmi ceux dont je me voyois entouré,
j ’en avois trouvé un superbe, que je m’étois
àmûsé à dessiner; après quoi j e l ’avois jette
imprudemment'hors de ma tente , près de
mon chariot. La nuit, réveillé par un besoin,
jë descendis de ma voiture ; e t , sans songer
au géranium qui- se trôuvoit là ,jje sautai,
pieds nuds sur cette plante, et m’enfonçai
un pied jusqu’à la cheville dans ses épines.
Ma douleur fut telle, et je poussai un cri
si violent que tous mes gens accoururent.
Ils me trouvèrent soutenu sur une jambe ,
et cloué . par l ’autre sur le tronc épineux,
sans oser faire le moindre mouvement
pour m’en retirer. Le pis de l’aventure
, c’est que je ne savois comment
me Soustraire à cette torture, et qu’il ne
m’étoit paspossible d’arracher une partie du
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