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savent-ils les contrebandiers en campagne |
qu’ils s’empressent d’éloigner leurs troupeaux
et de les envoyer dans les bois et
dans les montagnes, où iis les tiennent
cachés. C’est le seul moyen qu’ils aient
pour se préserver du pillage j et c’est celui
qu’ils emploient tous.
Mainte fois il m’est arrivé de venir dans
une horde, et de ne pas y trouver une seule
pièce de bétail ,* parce que, jugé d’après les
faits d’autrui, on m’y regardoit comme un
de ces prétendus trafiquans de boeufs, dont
la présence est un fléau. Pour dissiper ces
préventions défavorables , il falloit qu’en
vivant quelque tems avec les Sauvages, ils
apprissent à me coimoîtrè, ou que mes gens
les instruisissent des motifs qui me faisoient
voyager ; alors la confiance se rétablissoit.
On me racontait les abominations qu’a-
voient commises les scélérats avec lesquels
©n m’a voit confondu. Je voyois les troupeaux
reparaître ; et si je voulois en acheter
quelques bêtes, on me laissoit le maître
du choix ; toutes étaient à ma disposition.
Je contractais loyalement, je payois
de même; et j ’avois, en partant, la con-
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solation d’entendre ces bouches qui, jus-
qu alors, avoient maudit les blancs, avouer
enfin qu’il en étoit quelques-uns qui ne méritaient
pas d’être haïs.
Assurément je ne sotipçonnois point Pinard
d’être un de ces acheteurs à coup de
fusil. Sans doute il'vouloit contracter autrement
qu’eux, puisqu’il étoit seul de sa
couleur, et qu’il'portoit avec lui les trois
sortes de marchandises que recherchent,
par dessus toutes les autres, les Sauvages :
la quincaillerie, l’eau-de-vie et-le tabac.
Néanmoins je craignois l’indiscipline et le
désordre que pouvoit mettre dans nia troupe
un pareil homme ; et bientôt il me prouva
que je ne m’allarmois point vainement,
ïl Condui&oit avec lui trois tonneaux decette
mauvaise eau-de-vie que fabriquent et vendent
les colons; mais au goût qu’il'montrait
pour cette liqueur ; sa cargaison de-
voit être bien allégée, aVant qu’il fût arrivé
chez les Namaquois. Dès le soir, il en
prit une telle dose, que le peu qu’il avôit
dé raison se trouva entièrement troublé.
Dans* cet état, ses tonneaux étant abandon-
nés^Jâ discrétion de ses Hottentots, ceux-
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