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ci,- nous n’avions vu aucun animai malfaisant
5 Jantje, selon moi, n’avoit pas plus
été enlevé par des Boschjesman, que dévoré
par une bête féroce. J’avois bien plus
a criaindre que, lassé de la vie pénible
et souffrante qu’il menoit depuis quelque
tems , il n’eût pris le parti de m’abandonner
, et ne se fut dérobé furtivement la
nuit ; o u , qu’excêdé de fatigue et dé besoin,
incapable de résister davantage à tant de
maux, anéanti et mourant, il ne fut allé,
comme, les animaux sauvages, rendre les
derniers soupirs dans quelque lieu écarté.
Ces sinistres conjectures me paroissoient
plus naturelles que celles de mes Compagnons,
et cependant elles n ’étoient pas plus,
fondées. Pendant qu’ils s’appésantissoient
sur les leurs, et que moi, par prudence, je
leur cachois les miennes j ils apperçurent
ce Hottentot qüi açcouroit à nous, ayant
les bras tendus et faisant ces démonstrations
usitées parmi les Sauvages , qüartdils
pnt quelque grande nouvelle, soit bonne ,
soit fâcheuse, à annoncer.
Arrivé près, de nous, il me dit que Pô-
rage de la nuit lui ayant restitué ses forces ^
E l i -A. F R I Q U E . a a
il en avoit profité pour essayer de me rendre
un service j qu’il s’étoit flatté d’apper-
çevoir, à la faveur des ténèbres, les feux
qui pourroient avoir été faits dans les vallées
d’alentpur, si par hasard il y en avoit
d’allumés 5 -et que c’.étoit dans ce dessein
qu’il s’étoit éloigné de moi. « J’ai couru
« toute la nuit , sans apperçevoir aucun
« fe u , ajouta-t-il j mais au jourj j ’ai vu ,
« à une lieue d’ic i , sortir d’un kraal un
« troupeau de moutons, qui s’est répandu
« dans la campagne. Ma première envie
« a été d’aller m’adresser aux conduc-
«teurs. Ils étoient trois 5 mais comme je
«ne les connois point, et que jétois tout
«seul, j ’ai cru qu’il étoit plus’ sage de ve-
« nir vous avertir, pour savoir ce que vous
ÇÇ voulez faire.
Dans l ’extrémité à laquelle j ’étois réduit,
rien ne pôuvoit m’être 'aussi favorable que
ce que m’annonçoit cet homme. Aussi ses
camarades n ’entendirent- ils , qu’avec des
transports de jo ie , le récit de sa découverte.
Ils lui serroient la main pour le remercier
y ils le carressoient à leur manière,