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qu ils avançoient très-peu. Moi-mêmë, soit
effet physique, de la température, soit ëf-‘
fet moral de l ’inquiétude affreuse que me
donnoit cette nouvelle et triste situation,
je me sentois abattu et sans courage 5 l ’as-!
pect de cet horison silentieux et sans bornes
fatiguoit cette fois-ci mon imagination
d’un rêve trop pénible et trop long.
Heureusement quelques heures de marche
nous rendirent l’espoir. La plaine
changea tout à coup j le sable et le sol se
montrèrent couverts d’un gramem particulier,
qu’on nomme herbe des Bosch jesman,
et dont ces: Sauvages mangent la graine.
Les collines elles-mêmes avoient un aspect
moins nud j on y découvroit quelques petits
arbustés rabougris parmi de grands àloès
dichotomes, allant ça et là en tre lès rochers
micacés , dont les reflets brillants éblouis-
soient nos yeux ; la plaine étoit parsemée
de gros morceaux de quartz ,• blancs comme
la neige, et dont la base ou partie qui
touchoit à la terre avoit la teinte et la demie
transparence de la prime d’éméraude.
Probablement le sol contenoit des molécules
métalliques q u i, pénétrant les por-
Eür A f r i q u e . 2 .2 ,5
tions du quartz qu’elles atteignoient, leur
donnoient cette couleur. Au moins , dans
les fentes des blocs et des rochers , je;trouvai
des pyrites cuivreuses et des cristaux
colorés en verd.
La terre sur laquelle nous marchions
étoit couverte d’herbe 5 et j’espérois que
cette herbe, quoique sèche, feroit une
pâture pour mes bestiaux, puisque ceux
du pays la mangent très - bien dans cet
état. Mais, malgré la faim qu’ils éprou-
voieirt depuis long-tems, ils la rebutèrent»
"Il est; vrai que par sa grande sécheresse
elle étoit tranchante , et que ceux qui tentèrent
de la brouter eurent bientôt la langue
et les lèvres ensanglantées.
J’aspirois, avec l ’impatiençe de. l ’afïlicr
tion , au moment d’arriver à la Grande-
Riviè re , à ce fleuve qu’on me disoit ne
jamais tarir et dont on m’avoit peint les
bords Si agréables et si rians. A chaque
instant, je çraignois de voir nos attelages,
avant de les atteindre, tomber épuisés,
comme les premiers. Mes yeux se portoient
en avant, pour chercher les arbres nombreux
, q u i, disoit - o n , couvroient ses
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