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est beaucoup plus large que la postérieure,
elle couvre celle-ci en entier ; l’animal ressemble
alors à un tronc d’arbre mort sur
pied.
Son allure, lorsqu’il marche , n’est ni
gauche ni désagréable. Mais,, s’il trotte, elle
devient ridicule ; et l’on croiroit que c’est
un animal qui boite, en voyant sa tête, perchée
à l’extrémité d’un long cou qui ne
plie jamais, se balancer de l ’avant à l’arrière,
et jouer, d’une seule pièce , entre
deux épaules qui lui servent de charnière.
Au reste, la longueur du cou, dépassant
au moins de quatre pouces celle des jambes,
il est évident , qu’ajoutée à la longueur de
la tête, elle lui suffit pour brouter sans peine;
et que par conséquent il n’est pas obligé,
ou de s’agenouiller, ou d’écarter les pieds,
ainsi que l ’ont écrit quelques auteurs.
Sa défense, comme celle du cheval et
des autres solipèdes, consiste en ruades.
Mais son arrière-train est si léger et ses
ruades si vives que l ’oeil ne peut les suivre.
Elles suffisent même pour le défendre contre
le lion, quoiqu’elles soient insuffisantes
contre l'attaque impétueuse du tigre.
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Pour ses cornes, il ne les emploie nullement
dans ses combats. Je ne l ’ai pas mêrup
vu s’en servir contre mes chiens, et cette
arme foible et inutile ne sembleroit qu’une
erreur de la nature, si dans ses ouvrages la
nature pouvoit manquer son but et se
tromper.
En général, c’est une règle assez constante
chez les animaux, que dans leur jeune
âge les mâles ressemblent aux femelles , et
n’ont rien qui les distingue. Cette ressemblance
de jeunesse est un caractère propre,
non-seulement à plusieurs espèces de quar
drupèdes, comme je le prouverai dans la
suite , mais encore à nombre d’oiseaux,
tant de ceux chez qui les deux sexes diffèrent
le plus dans leur état parfait, que de
ceux très-nombreux encore qui changent
de couleurs dans les diverses saisons de l ’année.
Il est, pour ceux-ci, une époque fixe à
laquelle le mâlequitte sa robe-brillante, pour
prendre la livrée simple de sa femelle; et delà
ces erreurs fréquentes de certains naturalistes,
qui , dans leurs cabinets réunissant
des animaux d’espèce différente, ou en séparant
d’autres de même espèce , contredisent
la nature qu’ils connoissent mal.