
pour en venir à bout, un tems considérable
à tirer au blanc.
Ainsi fut brûlé inutilement, plus d’une
livre de ma poudre j et cependant, c'étoit
bien moins cette perte qui m’affectoit,
que l’imprudence et Topiniatreté du tireur.
Certainement il ne pouvoit douter que le
bruit de cette longue pétarade, grossi et
répété par les échos multipliés des montagnes,
ne dut effaroucher les éléphans , et
les forcer à se retirer plus loin. O r , c’est
ç,e qui arriva. Le lendemain, conduits par le
pâtre, et accompagnés de plusieurs de mes
Hottentots, nous nous avançâmes, avec toutes
les précautions possibles, vers la bruyère
j mais nos précautions furent /en pure
perte : les deux animaux avoient quitté le
lieu, et nous ne vîmes d’eux que des fumées
et des traces. Néanmoins , je ne perdis
pas l ’espoir de les rejoindre. Ces traces
elles-mêmes m’en indiquoient le moyen,
si je voulois me résoudre à le suivre \ et
c ’est le parti que je pris.
Nous marchâmes long-tems, sur pn terrain
abominable. Nous allions de saccades
en saccades à travers les éboulemens et les
quartiers de rochers détachés des montagnes.'
Plus paisible, et les sens plus rassis,
j ’eusse dévoré des yeux Ce spectacle
d’un effet horrible et bisarre. C’est ici
que la nature épuisée n’a plus de force pour
se reproduire ! Que de siècles ont, tour a
tour, vieilli, déraciné, rongé ces barrières
formidables! Ainsi chaque portion du globe,
l’une après l ’autre, est dévorée par le tems,
ou plutôt le globe entier s’use' chaque jour
et se fond au sein de l ’espacé.
Après une marche très-fatigante, après
bien des détours et dès circonvolutions, nous
revîmesenfin, derrière une petite colline, les
deux éléphans que nous cherchions; et pour
comble de bonheur, leMieu nous favorisa
tellement, que nous pûmes nous approcher
d’eux jusqu’à vingt p a s , sans en être ap-
perçus. Klaas Baster et moi, nous ajustâmes
chacun le nôtre. Le mien tomba sur le
coup : c’étoit une femelle : le sien étoit
un mâle 5 il poussa un cri effroyable qui
nous glaça tous d’époùvanté, et alla tomber
à deux cents pas plus loin. Mes Hottentots
le suivirent. Mais à peine l ’eurent-ils
VU à te rre , que je les entendis crier, à